De Paris à Angers par la Loire à vélo
J'avais des fourmis dans les jambes et une envie tenace de partir quelques jours sur les routes à vélo, surtout qu'après un printemps coincé par une lombalgie, j'avais eu du temps pour réfléchir à mes randos vélos ! La Loire à vélo ce n'est pas bien loin, jusqu'à présent je n'en avais parcouru que quelques tronçons, alors il me fallait en faire un peu plus. De la maison en région parisienne jusqu'à Nantes me parut un projet simple et plaisant à réaliser.
J'avais prévu six étapes:
J'ai dû m'adapter aux conditions ... et Angers fut le terminus.
Un paysage de nature du val de Loire
Je pars ! 6h30 du matin me voilà sur la route, direction Orléans, 130 km à faire, j'ai forcé la dose, mais pas le choix si je veux tenir mon planning, et puis le but est la Loire à vélo, autant y aller direct.
C'est samedi, la circulation est tranquille, surtout à cette heure matinale. Un groupe d'hirondelles m'entoure en vols gracieux et rapides. Quand elles volent bas c'est un signe de pluie ... balivernes, il y a bien quelques nuages, le soleil perce au travers avec des rayons dignes d'une représentation divine. De bon matin il fait déjà bon, heureusement la canicule est passée. Cette douceur est favorable aux insectes et je prends un nuage bien épais de moucherons en pleine figure, je suis obligé de m'arrêter, mes lunettes en sont recouvertes, j'en ai plein le visage ... rien de grave, je ne baillais pas à ce moment là.
Passage à St Sulpice de Favières, très belle église gothique, lieu de pèlerinage, mais à cette heure-ci, elle est encore fermée.
J'ai bien étudié mon parcours, je suis ma trace GPS, sur des petites routes à l'écart de la circulation si possible, avec parfois quelques exceptions.
Après St Sulpice, je ne connais plus ... c'est Terra Incognita ! tous ces paysages sont nouveaux, je pars à la découverte ... de la Beauce et de ses champs de blé jusqu'à l'horizon.
Je suis toujours aussi fasciné par la blondeur des blés, ces épis sont d'une beauté ...
C'est le plat pays, la ligne d'horizon au loin, rien ne dépasse autre que les châteaux d'eau et les éoliennes, un univers à perte de vue dédié aux cultures arrosées aux pesticides.
Au détour des chemins, je découvre de belles croix en fer forgé, témoins d'une époque ou la société était plus tournée vers la spiritualité que l'individualisme et la consommation de biens matériels.
Lors d'un arrêt, en remettant mes lunettes, alors que j'ai gardé le casque, je force légèrement et crac, monture cassée, retenue à peine par un filet de plastique. J'arrive tout de même à les tenir sur le nez, elles me sont indispensables pour la vue bien sûr mais aussi en tant que lunettes de soleil.
A Pithiviers, je m'arrête au supermarché et j'achète de la colle cyanolite et je répare tant bien que mal mes lunettes, mais ce sont les doigts que j'ai bien failli coller !
L'après midi est chaude, je m'arrête dans un petit café en bord de route, perdu au milieu de nulle part. Je commande un diabolo menthe, 1€50, le serveur n'est pas bavard, mais à la vue de mon engin il engage la conversation et me pose quelques questions.
J'approche de la Loire, et quitte la route pour les bords du canal d'Orléans.
Les paysages sont très beaux, ombragés, en échange d'une voie que je qualifierais de "naturelle". On y roule moins bien, mais ce caractère naturel lui donne tout son charme.
Mais à un endroit, l'administration a voulu assurer la maintenance du chemin avec du caillou grossier (pour faire des économies ?), une catastrophe !
Et enfin la Loire !
Encore une quinzaine de kilomètres avant le camping, en bordure du canal latéral à Loire, une réalisation impressionnante.
Je traverse Orléans par les pistes cyclables en bords de Loire et j'arrive enfin au camping ... à l'entrée, pas de panneau, est-ce bien ici le camping ? oui, je vois quelques campings-cars. Pour 9€40, je cherche un endroit plat avec un espace de pelouse ... je cherche ... non les quelques endroits plats sont déjà pris par les campings-cars.
Après bien des hésitations je m'installe et j'inaugure ma nouvelle tente !
Ce soir je suis bien fatigué après ces 133 km, je n'ai pas grand chose à manger et j'ai plutôt envie d'aller m'assoir quelque part ... à l'accueil elle n'a que l'adresse du Flunch à me donner, accessible à pieds, je tente sans enthousiasme un filet de saumon sauvage, il a dû être oublié 10 ans au fond d'un congélateur ...
A 10h je m'écroule de sommeil enfin douillettement installé sous ma tente. A demi endormi je sursaute à cause d'un bruit bizarre, très bref, très puissant, une sorte de "kkkre", un bruit de démarreur de voiture qui raye l'embrayage ... 1 à 2 minutes après cela recommence, je sursaute à nouveau ... cela continue, je me lève et recherche l'origine du bruit. Cela provient de l'immeuble qui jouxte le camping, des fenêtres sont ouvertes en rez-de-chaussée, et une machinerie à l'intérieur produit ce bruit insupportable à intervalles irréguliers. Je ne vois qu'une solution pour éviter la folie, s'éloigner au maximum. A la lumière de ma lampe je déménage à l'autre bout du camping, le bruit y est bien atténué, je vais peut-être pouvoir dormir ... mais un samedi soir fin juin c'est la fête de la commune voisine, feux d'artifices et musiques jusque tard dans la nuit, sans oublier ces motos aux moteurs de formule 1 dans le lointain à toute heure de la nuit ...
Je redécouvre les joies et les désespoirs du camping, ce soir c'est désespoir !
Je quitte le camping sans regret, le temps est gris, il fait bon, c'est dimanche. Passage sur le superbe pont de l'Europe avec une large piste cyclable.
La piste continue sur les digues de la Loire, des hortensias décorent le bord de la route.
Après avoir longé le Loiret, je retrouve plus loin la Loire.
J'imagine un instant la campagne sans pesticide, la Nature serait une oeuvre d'art qui vivrait en harmonie avec les activités humaines ... j'ouvre les yeux, je rêve ?
A l'approche de Beaugency, j'ai l'impression d'être revenu dans les années 70, à l'époque hippie. On trouve ici un bar, un restaurant, un cirque, des animaux, tout un fatras coloré d'objets récupérés et transformés en oeuvres d'art babacool.
Deux femmes pèlerins de Compostelle arrivent au même instant à cet endroit improbable, nous bavardons le temps d'un café, elles ont traversé la Beauce à pieds en pleine canicule, et se sont fait peur.
Oui, ce champ de coquelicots n'était qu'un rêve, la réalité est ici dans ces champs de maïs, des pompes géantes vident la Loire pour saturer d'eau ces maïs (transgéniques ?) bourrés de pesticides. Le maïs est en partie écrasé par ces machineries, peu importe, ici on a aucun respect de la Nature.
Ces maïs ne servent qu'à nourrir des bestiaux élevés en batterie et qui finiront dans des abattoirs sinistres.
Je m'éloigne espérant retrouver mes coquelicots, mais à l'approche de St Laurent-des-Eaux, ce sont des coups de feu à répétition sur un ile de la Loire, probablement des systèmes automatiques à air comprimé pour faire fuir les oiseaux ... mais pourquoi ? mystère .... un cauchemar pour les riverains, qui en plus doivent vivre à coté d'une centrale nucléaire, une épée de Damoclès sur la tête. Dans 100 ans, nos arrières petits-enfants n'auront toujours pas fini de démanteler ces installations.
Mais dans quel monde vit-on ?
Le voyage c'est aussi cela, un peu de rêve, un peu de cauchemar, c'est se confronter à la réalité, en prendre conscience, découvrir de belles choses, et de moins biens.
Contre le vent, je fuis à toutes jambes et retrouve la campagne du Val de Loire.
Je commence à fatiguer, il est temps de casser la croûte, une quiche et une part de tarte aux cerises achetés à Beaugency, avec la recommandation pour la tarte "attention aux noyaux !". C'est une bonne nouvelle, au moins ce sont de vraies cerises !
Une petite sieste ne sera pas de trop ...
La balade continue vers Blois par la rive droite.
Et Blois, un café en terrasse me permet de faire une petite pause.
Puis l'itinéraire continue en rive gauche.
La Loire à vélo est souvent bien aménagée, avec des pistes cyclables comme ici en parallèle de la route,
ou comme ici avec un revêtement béton de superbe qualité.
En chemin, un petit cimetière à l'ombre de deux énormes cèdres du Liban.
Passage à Condé-sur-Beuvron, joli petit village de caractère, juché sur une butte en bordure de la vallée du Beuvron. J'entre dans l'église, je flâne dans les travées, j'aime ce silence, cette ambiance mystique, ces siècles d'histoire du village qui se retrouve ici. Une bannière de procession est accrochée à un pilier.
Je remercie le seigneur pour cette randonnée, pour cette liberté de jouir de tous mes membres et de tous mes sens, pour les petits bonheurs qu'ils me procurent à chaque instant ...
A l'approche de Chaumont, l'itinéraire est ombragé et passe en bordure du Beuvron.
Ces chemins sont très romantiques, mais la mécanique apprécie moins.
Et enfin le camping de Chaumont-sur-Loire, l'hôtesse d'accueil s'aperçoit que je suis de Bures-sur-Yvette, "j'ai passé toute mon enfance à Bures-sur-Yvette !", je connais bien le garagiste qui a repris celui de ses parents, le monde est petit !
Le camping est en bord de Loire, une aire naturelle de camping immense, de la pelouse à perte de vue, quelques arbres pour décorer et faire de l'ombre, le soleil est là, c'est magnifique !
Joies et désespoirs du camping: ce soir c'est la joie !
Et les montgolfières font le spectacle !
Je vais faire le tour du village à la recherche d'un bar, un bière bien fraîche serait plus que la bienvenue ... en vain ... ce soir c'est abstinence !
Un cycliste dans la soirée vient me voir, il remonte la Loire jusqu'à Nevers. Il voyage avec un Btwin et une remorque. Il a supprimé la suspension pour éviter la perte d'énergie, cela me fait réfléchir sur mon vélo qui a une suspension un peu souple, par contre je préférerais la remplacer par une suspension à air. On bavarde de nos voyages à vélo, et au détour de la conversation, il me dit qu'il s'est fait voler sa tablette cet après-midi à Amboise alors qu'il s'était assoupi sur un banc. Ce n'est pas la tablette en elle même qu'il regrette, mais il avait fait plus de mille photos depuis son départ et beaucoup d'écritures ... il est résigné, fataliste, mais je le sens profondément touché par cet acte qui lui a volé un peu de lui-même, un peu de sa mémoire, un peu de son intimité.
Beaucoup de rosée ce matin, quelques minutes de soleil et tout est presque sec.
A 8h30 tout est plié, je pars presque à regret.
Les jambes sont lourdes, les muscles sont fatigués de la veille, mais cela passe au bout de quelques kilomètres.
La piste est bonne et passe en sous-bois, il fait chaud de bonne heure. Des merles chantent et m'encouragent "plu vit, plu vit, plu vit".
Un lieu paradisiaque.
Peu de croix sur le circuit de la Loire à vélo, mais celle-ci est particulièrement belle.
Ce matin le circuit a quitté la plaine pour le plateau, une fois, puis une deuxième fois avec une côte particulièrement raide ... pfff
Pose café à Amboise.
Je repense à mon cycliste d'hier soir, cela m'a troublé, notre croyance en l'Homme est affectée, faut-il se méfier en permanence ? être toujours sur le qui-vive ? Ne donner sa confiance à personne ? On y perd une part de sa liberté.
L'itinéraire remonte une troisième fois sur le plateau mais de façon plus tranquille, pas besoin de forcer comme un malade comme ce matin ! En chemin, un bar du terroir sympathique,
et un mur décoré d'anciennes cafetières, il y en a au moins une centaine !
Sur le plateau, c'est le domaine des vignes. Il m'est facile de reconnaître les vignes cultivées de façon naturelles de celles traitées chimiquement,
Alors, que préférez vous boire comme vin ? celui de la première image ou celui de la seconde ?
J'approche de Tours, je me perds du coté de Montlouis. Je casse la croûte sur un banc, une quiche de légumes, ou plutôt une quiche au sel, et une part de gâteau, costaud, indéfinissable ...
Avant de repartir, une photo-souvenir selfie d'un beau peuplier.
Ca y est la grande ville est toute proche, le bruit grandit, la circulation s'intensifie, le paysage s'enlaidit, le béton déborde ...
L'heure tourne, il fait chaud, Tours est une grande ville et la circulation est pénible ...
Petit arrêt inévitable à la cathédrale,
A la sortie je donne la pièce à un handicapé, échange quelques mots avec lui.
Je mesure mon bonheur d'avoir des jambes, lui n'en a pas.
Je retrouve enfin la campagne, j'ai perdu du temps, je pousse sur les pédales, le temps est de plus en plus gris et lourd, des orages menacent, quelques gouttes ...
Un drôle de spectacle en bordure de la piste, un immense tas de bois, les arbres ont été coupés, disons massacrés, et entassés là en un énorme fagot. On dirait qu'un géant maléfique est passé par là et a entassé le résultat de ses méfaits ici.
Je me demande bien quel monstre mécanique est capable de faire cela ? Ici aussi, aucun respect de la nature, même pas de l'arbre, ce symbole de la vie terrestre avec qui l'homme est intimement lié.
Je suis fatigué et inquiet de devoir affronter les orages, je m'arrête plus tôt que prévu, à Bréhémont, j'avais noté un camping ici pas loin de la piste.
Au camping, j'aperçois un petit bungalow toilé, et demande si il est libre, 26€, ok c'est parfait, ce soir pas de tente à monter, et demain ce sera bien plus facile pour repartir.
Le camping est récent, implanté de toutes pièces au milieu des champs, les emplacements sont petits, pas de pelouse ou si peu, pas d'ombre pour les jours ensoleillés, mais les sanitaires sont tout neufs et je peux pendre un douche froide, cela fait du bien après avoir transpiré toute la journée !
Pendant que j'écris sur mon petit carnet les souvenirs de la journée, un bruit de moteur électrique, de ventilateur, arrive jusqu'à mes oreilles douillettes ... je découvre que mes voisins de la petite caravane juste à coté ont mis en route un climatiseur dont le mécanisme est placé derrière la caravane, mais devant chez moi ! Je sens mon âme de grincheux se réveiller et je peste contre toutes ces machineries pourvoyeuses de décibels, tout cela juste pour assurer un peu de confort ....
Je peste contre ces surplus de confort qui me paraissent un luxe inutile en camping, mais après réflexion, moi et mon petit bungalow, c'est aussi un petit confort inutile. En fait tout cela est bien naturel, on recherche tous un petit plus de confort, et notre société de consommation n'est pas avare de produits.
Je dois donc m'incliner ... et me calmer, d'ailleurs la clim s'arrêtera quelques temps après et je dormirai du sommeil du juste toute la nuit.
Ce matin je m'offre, pour 6€, le luxe d'un petit déjeuner au bar du camping ! Je le savoure jusqu'a la dernière miette.
Aujourd'hui j'ai 10 km à faire en plus, ceux que je n'ai pas faits hier, ce qui devrait me mener à 100 km au moins. La première partie est roulante,
Traversée bucolique de l'Indre,
Je fais quelques km avec un autre cycliste, on s'aide mutuellement dans la reconnaissance du parcours. Son équipement est plutôt rustique, mais il avance bien le bougre.
Je double un couple d'amis aussi en randonnée sur la Loire à vélo, c'est l'occasion de bavarder tout en roulant.
Candes-St-Martin, magnifique village, peut-être le plus bel endroit de la Loire à Vélo.
Je ne résiste pas à faire un tour dans l'abbatiale,
Une vierge à l'Enfant naïve,
A Montsoreau, les panneaux indiquent Saumur par "les coteaux", et Saumur par "Loire et Forêt", c'est bon, j'ai déjà donné hier, ce sera par Loire et Forêt ! Pas question de grimper à nouveau là-haut, je n'ai pas le temps ni l'énergie.
Et puis ... que s'est-il passé ? à un moment donné j'ai dû perdre l'itinéraire officiel, j'ai dû suivre d'autres panneaux, et .... j'ai grimpé ... tout là haut, sur la ligne de crête ...
Je croise un groupe de randonneurs, ils ressemblent à des pèlerins de Compostelle, ils me font une haie d'honneur !
Du coup je ne regrette pas, et arriver à Saumur par en haut, ce n'est pas si mal !
Le ciel est noir, l'ambiance est lourde, l'orage n'est pas loin.
Je mange en centre ville. La rue est joliment décorée avec des parapluies, ces parapluies ouverts sont-ils un mauvais présage ? En tout cas l'orage passe à coté, je peux continuer ma route sereinement.
Cette fois ci, pas question de grimper, ce sera la route s'il le faut et je reste vigilant, mais l'itinéraire grimpe inexorablement, je n'ai pas le choix.
En rive gauche de la Loire, la balade se poursuit sur la route relativement bien aménagée.
Dernière photo ... j'ai oublié de recharger la batterie de mon appareil photo, et c'est flou, j'ai dû poser un doigt bien gras de crème solaire sur l'objectif.
Dans cette dernière partie, j'avance bien, c'est plat, quelques zig-zag pour rester sur les petites routes.
Plus que 10 km, l'orage gronde mais n'avance pas trop vite, à priori je serai au camping avant que l'orage n'arrive.
La direction du vélo devient tout à coup bien mole et les pédales bien dures .... non .... c'est pas possible ?
je viens de crever !!! Au pire moment, je vois la pluie au loin.
Réparation express, c'est la roue avant, facile ... enfin presque, parce que quand on a un orage aux fesses, on stresse un peu. Une demi-heure de perdue, c'est évidement une demi-heure de trop, je repars à fond, mais c'est trop tard, l'orage m'a rattrapé.
Je sors une grande cape de pluie et décide d'attendre que l'orage passe ...
Un cycliste arrive dans l'autre sens, et m'explique en anglais un problème un peu plus loin ... tout à coup je me souviens que sur l'itinéraire il y a un bac manuel à passer et qu'apparement il est difficile à passer. La pluie diminue, je peux repartir.
1 km plus loin le fameux bac ! Il est de l'autre coté, la pluie recommence ... comment faire ?
Un bout de chaîne dépasse de l'eau, il faut tirer dessus pour ramener le bac sur la rive, c'est dur, c'est lourd, et enfin le bac est là et je peux embarquer ... quoique ... dès que je pose un pied, le bac s'éloigne, mais comment vais-je faire pour monter avec mon vélo de 35 kg ?
C'est impossible ! Il me faut accrocher le bac, j'ai un petit mousqueton, ouf, je peux embarquer, puis passer de l'autre coté, en tirant la chaîne, les mains pleines de vase, à nouveau accrocher le bac, et sortir de l'autre coté.
Ce bac est très certainement sympa, mais à plusieurs et par beau temps ! sinon, seul et sous le pluie, c'est vraiment la galère !
Je repars sous la pluie qui s'intensifie en doublant le débit toutes les minutes, la piste n'est plus qu'un ruisseau, je roule dans l'eau, dessus, dessous, de l'eau partout ... je ne vois plus rien, je ne sais plus où je vais ... impossible de consulter le GPS, et de plus je n'ai pas préparé ma trace pensant naïvement que je trouverai facilement la direction de Pont-de-Cé. Dans une situation pareille, on a du mal réfléchir, ses capacités cognitives sont diminuées (!), je me croirais dans une épreuve de Fort Boyard ! J'ai le choix entre deux directions, Angers ou Saumur/Loire Bis .... ? Loire-Bis est peut être ma direction mais dans le doute, je renonce.
Je prends direction Angers dans l'espoir de trouver un hôtel, vu la situation, je ne m'imagine pas monter la tente. Bien sûr je perds l'itinéraire et je me retrouve sur des voies rapides menant direct à l'autoroute ... sous la pluie, qui parfois diminue pour reprendre aussitôt !
Tant bien que mal, je suis une direction qui mêne à l'hôtel de la Loire, j'y arrive, je suis sauvé !
A l'accueil "je n'ai plus de chambre, je suis complet, et vous n'en trouverez pas ailleurs à cause du festival de musique !".
Je commence à douter, l'heure tourne, j'ai froid, vais-je passer la nuit sous un pont ? Il ne me reste que le camping, encore faut-il que je le trouve ?
L'hôtesse de l'hôtel m'a donné une vague direction ... j'y vais, au bout de quelques km, un panneau "Camping" ! Super, et la pluie s'est arrêtée, je suis la direction.
Pont-de-Cé que j'avais imaginé comme un petit village, en fait, est immense, c'est la banlieue d'Angers.
J'arrive au camping sans encombre, épuisé, trempé jusqu'aux os, frigorifié. Je demande si elle a une location ? Il reste un petit bungalow en dur, sur pilotis, avec l'électricité ... pour 28€ et en plus il y a un petit chauffage électrique, je vais pouvoir faire sécher toutes mes affaires !
Ma bonne étoile m'avait abandonné quelques heures, mais elle est vite revenue à ma rescousse !
Il y a un snack au camping, j'y vais vite avant qu'il ne ferme. Le choix est réduit, saucisse frites, burger frites, ou croque-monsieur frites, et en dessert, glace ou glace.
Ce n'est pas très diététique, mais les émotions ça creuse !
Je finis la soirée sous la douche, bien chaude.
Tant pis, je vais rentrer, c'est déjà pas mal, et puis ce sera un prétexte pour refaire cette randonnée.
Je plie sans me presser, la pluie devrait cesser dans la matinée.
En face de mon bungalow, j'avais remarqué un cycliste sous la tente, bien qu'il ne ressemblait pas tout à fait au randonneur de la Loire à vélo. Ce matin, il vient me voir pour bavarder, intrigué par mon vélo. Au fur et à mesure de la conversation, je dois me rendre à l'évidence, c'est un SDF. Il me raconte ses problèmes administratifs, son RSA, sa jeunesse à la DAS, ses galères quotidiennes ... tout est problème pour lui, tout ... je ne sais pas si moi je saurais (sur)vivre dans une telle situation.
il me dit au revoir avec un large sourire, je le laisse à ses soucis, je regagne ma maison, je n'ai pas de problème pour payer mon billet de train et mon sandwich, je vais rentrer dans une maison, retrouver ma famille, un lit douillet ... lui, rien de tout cela. Cela me laisse perplexe, sois-disant, nous avons un état providence, nous sommes des assistés, nous sommes les champions du social ... je doute, la France a de gros progrès encore à faire.
Direction, la gare d'Angers, le TER pour Nantes 30 minutes après ... le contrôleur râle en voyant mon vélo, ne sont admis que les vélos qui peuvent être accrochés aux portes vélos, c'est écrit quelque part, mais sans pouvoir me dire où. De même pour une maman qui voyage à vélo avec son enfant dans la remorque ... les remorques sont interdites. Merci la SNCF, le service public, mais quel service au fait ? Comme nous sommes les seuls, il ne fait pas plus de zèle que de rappeler la règle.
Une voie suave annonce le TER pour Nantes " ... le transport des vélos est gratuit comme bagage à main...", c'est celaââââ ouuuui ! mon vélo un bagage à main ?!
J'aime bien, par devant la SNCF se sert des vélos comme promotion, mais par derrière c'est interdit aux vélos couchés, aux trikes, aux tandems, aux remorques ...
Nantes, j'échange mon billet de TGV, départ une heure après. Il faut savoir aussi que les TGV qui acceptent les vélos sont uniquement les anciens TGV. Les nouveaux TGV à double étage n'ont plus d'espace vélo, il faut pouvoir le démonter et le transporter dans une housse comme bagage à main (!), et donc fini pour moi les TGV sur la plupart des lignes. C'est beau le progrès !
Un garage à vélo à l'extérieur de la gare, plutôt rare en France, Nantes est une ville qui fait beaucoup pour le vélo,
Montparnasse,
Il me reste 30 km à faire, sous la pluie, par la coulée verte, vraiment pénible à faire en vélo de rando, il faut s'arrêter à tout bout champ, traverser des rues, une succession de montagnes russes, des voies étroites, du monde ...
Enfin la maison ! 455 km au compteur.
Comme trace GPS, j'ai utilisé la trace officielle de l'Eurovélo 6 de Bale à l'Atlantique que vous trouverez ici https://www.eurovelo6-france.com/
Et une trace perso de Bures-sur-Yvette à Orléans faite sur Bikemap https://www.bikemap.net/fr/route/4033266-bures-sur-yvette-orleans/
Avec Real-Time GPS tracker, ma randonnée ressemble à cela:
Il manque la partie Angers - Nantes, ce sera pour une autre fois, mais d'ici là, il va falloir que je m'équipe pour affronter la pluie dans de meilleures conditions !
J'avais prévu six étapes:
- Bures sur Yvette - Orléans 130 km
- Orléans - Chaumont sur Loire 90 km
- Chaumont sur Loire - Rigny Ussé 95 km
- Rigny Ussé - Pont de Cé (Angers) 90 km
- Pont de Cé - Ancenis 90 km
- Ancenis - Nantes 70 km
J'ai dû m'adapter aux conditions ... et Angers fut le terminus.
Un paysage de nature du val de Loire
1 ère Etape : Bures sur Yvette - Orléans
J'ai beau être à la retraite, je ne suis pas aussi libre de mon temps que l'on pourrait imaginer. Entre la météo, les contraintes familiales et les bobos, j'ai un créneau de 7 jours, pas plus !Je pars ! 6h30 du matin me voilà sur la route, direction Orléans, 130 km à faire, j'ai forcé la dose, mais pas le choix si je veux tenir mon planning, et puis le but est la Loire à vélo, autant y aller direct.
Passage à St Sulpice de Favières, très belle église gothique, lieu de pèlerinage, mais à cette heure-ci, elle est encore fermée.
J'ai bien étudié mon parcours, je suis ma trace GPS, sur des petites routes à l'écart de la circulation si possible, avec parfois quelques exceptions.
Après St Sulpice, je ne connais plus ... c'est Terra Incognita ! tous ces paysages sont nouveaux, je pars à la découverte ... de la Beauce et de ses champs de blé jusqu'à l'horizon.
Je suis toujours aussi fasciné par la blondeur des blés, ces épis sont d'une beauté ...
C'est le plat pays, la ligne d'horizon au loin, rien ne dépasse autre que les châteaux d'eau et les éoliennes, un univers à perte de vue dédié aux cultures arrosées aux pesticides.
Au détour des chemins, je découvre de belles croix en fer forgé, témoins d'une époque ou la société était plus tournée vers la spiritualité que l'individualisme et la consommation de biens matériels.
Lors d'un arrêt, en remettant mes lunettes, alors que j'ai gardé le casque, je force légèrement et crac, monture cassée, retenue à peine par un filet de plastique. J'arrive tout de même à les tenir sur le nez, elles me sont indispensables pour la vue bien sûr mais aussi en tant que lunettes de soleil.
A Pithiviers, je m'arrête au supermarché et j'achète de la colle cyanolite et je répare tant bien que mal mes lunettes, mais ce sont les doigts que j'ai bien failli coller !
L'après midi est chaude, je m'arrête dans un petit café en bord de route, perdu au milieu de nulle part. Je commande un diabolo menthe, 1€50, le serveur n'est pas bavard, mais à la vue de mon engin il engage la conversation et me pose quelques questions.
J'approche de la Loire, et quitte la route pour les bords du canal d'Orléans.
Les paysages sont très beaux, ombragés, en échange d'une voie que je qualifierais de "naturelle". On y roule moins bien, mais ce caractère naturel lui donne tout son charme.
Mais à un endroit, l'administration a voulu assurer la maintenance du chemin avec du caillou grossier (pour faire des économies ?), une catastrophe !
Et enfin la Loire !
Encore une quinzaine de kilomètres avant le camping, en bordure du canal latéral à Loire, une réalisation impressionnante.
Je traverse Orléans par les pistes cyclables en bords de Loire et j'arrive enfin au camping ... à l'entrée, pas de panneau, est-ce bien ici le camping ? oui, je vois quelques campings-cars. Pour 9€40, je cherche un endroit plat avec un espace de pelouse ... je cherche ... non les quelques endroits plats sont déjà pris par les campings-cars.
Après bien des hésitations je m'installe et j'inaugure ma nouvelle tente !
Ce soir je suis bien fatigué après ces 133 km, je n'ai pas grand chose à manger et j'ai plutôt envie d'aller m'assoir quelque part ... à l'accueil elle n'a que l'adresse du Flunch à me donner, accessible à pieds, je tente sans enthousiasme un filet de saumon sauvage, il a dû être oublié 10 ans au fond d'un congélateur ...
A 10h je m'écroule de sommeil enfin douillettement installé sous ma tente. A demi endormi je sursaute à cause d'un bruit bizarre, très bref, très puissant, une sorte de "kkkre", un bruit de démarreur de voiture qui raye l'embrayage ... 1 à 2 minutes après cela recommence, je sursaute à nouveau ... cela continue, je me lève et recherche l'origine du bruit. Cela provient de l'immeuble qui jouxte le camping, des fenêtres sont ouvertes en rez-de-chaussée, et une machinerie à l'intérieur produit ce bruit insupportable à intervalles irréguliers. Je ne vois qu'une solution pour éviter la folie, s'éloigner au maximum. A la lumière de ma lampe je déménage à l'autre bout du camping, le bruit y est bien atténué, je vais peut-être pouvoir dormir ... mais un samedi soir fin juin c'est la fête de la commune voisine, feux d'artifices et musiques jusque tard dans la nuit, sans oublier ces motos aux moteurs de formule 1 dans le lointain à toute heure de la nuit ...
Je redécouvre les joies et les désespoirs du camping, ce soir c'est désespoir !
2 ème Etape : Orléans - Chaumont sur Loire
Aller hop debout à 6h30, je me sens tout même suffisamment reposé malgré cette nuit difficile (!). Je déjeune sur une table mise à disposition des campeurs, un belge vient bavarder, c'est un féru de vélo, il organise des randonnées cyclistes pour son association de camping-car, son prochain projet 600 km jusqu'à Cologne en Allemagne.Je quitte le camping sans regret, le temps est gris, il fait bon, c'est dimanche. Passage sur le superbe pont de l'Europe avec une large piste cyclable.
La piste continue sur les digues de la Loire, des hortensias décorent le bord de la route.
Après avoir longé le Loiret, je retrouve plus loin la Loire.
J'imagine un instant la campagne sans pesticide, la Nature serait une oeuvre d'art qui vivrait en harmonie avec les activités humaines ... j'ouvre les yeux, je rêve ?
A l'approche de Beaugency, j'ai l'impression d'être revenu dans les années 70, à l'époque hippie. On trouve ici un bar, un restaurant, un cirque, des animaux, tout un fatras coloré d'objets récupérés et transformés en oeuvres d'art babacool.
Deux femmes pèlerins de Compostelle arrivent au même instant à cet endroit improbable, nous bavardons le temps d'un café, elles ont traversé la Beauce à pieds en pleine canicule, et se sont fait peur.
Oui, ce champ de coquelicots n'était qu'un rêve, la réalité est ici dans ces champs de maïs, des pompes géantes vident la Loire pour saturer d'eau ces maïs (transgéniques ?) bourrés de pesticides. Le maïs est en partie écrasé par ces machineries, peu importe, ici on a aucun respect de la Nature.
Ces maïs ne servent qu'à nourrir des bestiaux élevés en batterie et qui finiront dans des abattoirs sinistres.
Je m'éloigne espérant retrouver mes coquelicots, mais à l'approche de St Laurent-des-Eaux, ce sont des coups de feu à répétition sur un ile de la Loire, probablement des systèmes automatiques à air comprimé pour faire fuir les oiseaux ... mais pourquoi ? mystère .... un cauchemar pour les riverains, qui en plus doivent vivre à coté d'une centrale nucléaire, une épée de Damoclès sur la tête. Dans 100 ans, nos arrières petits-enfants n'auront toujours pas fini de démanteler ces installations.
Mais dans quel monde vit-on ?
Le voyage c'est aussi cela, un peu de rêve, un peu de cauchemar, c'est se confronter à la réalité, en prendre conscience, découvrir de belles choses, et de moins biens.
Contre le vent, je fuis à toutes jambes et retrouve la campagne du Val de Loire.
Je commence à fatiguer, il est temps de casser la croûte, une quiche et une part de tarte aux cerises achetés à Beaugency, avec la recommandation pour la tarte "attention aux noyaux !". C'est une bonne nouvelle, au moins ce sont de vraies cerises !
Une petite sieste ne sera pas de trop ...
La balade continue vers Blois par la rive droite.
Et Blois, un café en terrasse me permet de faire une petite pause.
Puis l'itinéraire continue en rive gauche.
La Loire à vélo est souvent bien aménagée, avec des pistes cyclables comme ici en parallèle de la route,
ou comme ici avec un revêtement béton de superbe qualité.
En chemin, un petit cimetière à l'ombre de deux énormes cèdres du Liban.
Passage à Condé-sur-Beuvron, joli petit village de caractère, juché sur une butte en bordure de la vallée du Beuvron. J'entre dans l'église, je flâne dans les travées, j'aime ce silence, cette ambiance mystique, ces siècles d'histoire du village qui se retrouve ici. Une bannière de procession est accrochée à un pilier.
Je remercie le seigneur pour cette randonnée, pour cette liberté de jouir de tous mes membres et de tous mes sens, pour les petits bonheurs qu'ils me procurent à chaque instant ...
A l'approche de Chaumont, l'itinéraire est ombragé et passe en bordure du Beuvron.
Ces chemins sont très romantiques, mais la mécanique apprécie moins.
Et enfin le camping de Chaumont-sur-Loire, l'hôtesse d'accueil s'aperçoit que je suis de Bures-sur-Yvette, "j'ai passé toute mon enfance à Bures-sur-Yvette !", je connais bien le garagiste qui a repris celui de ses parents, le monde est petit !
Le camping est en bord de Loire, une aire naturelle de camping immense, de la pelouse à perte de vue, quelques arbres pour décorer et faire de l'ombre, le soleil est là, c'est magnifique !
Joies et désespoirs du camping: ce soir c'est la joie !
Et les montgolfières font le spectacle !
Je vais faire le tour du village à la recherche d'un bar, un bière bien fraîche serait plus que la bienvenue ... en vain ... ce soir c'est abstinence !
Un cycliste dans la soirée vient me voir, il remonte la Loire jusqu'à Nevers. Il voyage avec un Btwin et une remorque. Il a supprimé la suspension pour éviter la perte d'énergie, cela me fait réfléchir sur mon vélo qui a une suspension un peu souple, par contre je préférerais la remplacer par une suspension à air. On bavarde de nos voyages à vélo, et au détour de la conversation, il me dit qu'il s'est fait voler sa tablette cet après-midi à Amboise alors qu'il s'était assoupi sur un banc. Ce n'est pas la tablette en elle même qu'il regrette, mais il avait fait plus de mille photos depuis son départ et beaucoup d'écritures ... il est résigné, fataliste, mais je le sens profondément touché par cet acte qui lui a volé un peu de lui-même, un peu de sa mémoire, un peu de son intimité.
3 éme Etape : Chaumont-sur-Loire à Bréhémont
Voilà une bonne nuit, je resterais bien là, dans ce camping, il me plaît vraiment. Si j'avais eu du temps, j'aurais fait mon jour de repos ici, surtout qu'il y a à visiter le festival des jardins de Chaumont-sur-Loire, et les jardins j'adore ça.Beaucoup de rosée ce matin, quelques minutes de soleil et tout est presque sec.
A 8h30 tout est plié, je pars presque à regret.
Les jambes sont lourdes, les muscles sont fatigués de la veille, mais cela passe au bout de quelques kilomètres.
La piste est bonne et passe en sous-bois, il fait chaud de bonne heure. Des merles chantent et m'encouragent "plu vit, plu vit, plu vit".
Un lieu paradisiaque.
Peu de croix sur le circuit de la Loire à vélo, mais celle-ci est particulièrement belle.
Ce matin le circuit a quitté la plaine pour le plateau, une fois, puis une deuxième fois avec une côte particulièrement raide ... pfff
Pose café à Amboise.
Je repense à mon cycliste d'hier soir, cela m'a troublé, notre croyance en l'Homme est affectée, faut-il se méfier en permanence ? être toujours sur le qui-vive ? Ne donner sa confiance à personne ? On y perd une part de sa liberté.
L'itinéraire remonte une troisième fois sur le plateau mais de façon plus tranquille, pas besoin de forcer comme un malade comme ce matin ! En chemin, un bar du terroir sympathique,
et un mur décoré d'anciennes cafetières, il y en a au moins une centaine !
Sur le plateau, c'est le domaine des vignes. Il m'est facile de reconnaître les vignes cultivées de façon naturelles de celles traitées chimiquement,
Alors, que préférez vous boire comme vin ? celui de la première image ou celui de la seconde ?
J'approche de Tours, je me perds du coté de Montlouis. Je casse la croûte sur un banc, une quiche de légumes, ou plutôt une quiche au sel, et une part de gâteau, costaud, indéfinissable ...
Avant de repartir, une photo-souvenir selfie d'un beau peuplier.
Ca y est la grande ville est toute proche, le bruit grandit, la circulation s'intensifie, le paysage s'enlaidit, le béton déborde ...
L'heure tourne, il fait chaud, Tours est une grande ville et la circulation est pénible ...
Petit arrêt inévitable à la cathédrale,
A la sortie je donne la pièce à un handicapé, échange quelques mots avec lui.
Je mesure mon bonheur d'avoir des jambes, lui n'en a pas.
Je retrouve enfin la campagne, j'ai perdu du temps, je pousse sur les pédales, le temps est de plus en plus gris et lourd, des orages menacent, quelques gouttes ...
Un drôle de spectacle en bordure de la piste, un immense tas de bois, les arbres ont été coupés, disons massacrés, et entassés là en un énorme fagot. On dirait qu'un géant maléfique est passé par là et a entassé le résultat de ses méfaits ici.
Je me demande bien quel monstre mécanique est capable de faire cela ? Ici aussi, aucun respect de la nature, même pas de l'arbre, ce symbole de la vie terrestre avec qui l'homme est intimement lié.
Je suis fatigué et inquiet de devoir affronter les orages, je m'arrête plus tôt que prévu, à Bréhémont, j'avais noté un camping ici pas loin de la piste.
Au camping, j'aperçois un petit bungalow toilé, et demande si il est libre, 26€, ok c'est parfait, ce soir pas de tente à monter, et demain ce sera bien plus facile pour repartir.
Le camping est récent, implanté de toutes pièces au milieu des champs, les emplacements sont petits, pas de pelouse ou si peu, pas d'ombre pour les jours ensoleillés, mais les sanitaires sont tout neufs et je peux pendre un douche froide, cela fait du bien après avoir transpiré toute la journée !
Pendant que j'écris sur mon petit carnet les souvenirs de la journée, un bruit de moteur électrique, de ventilateur, arrive jusqu'à mes oreilles douillettes ... je découvre que mes voisins de la petite caravane juste à coté ont mis en route un climatiseur dont le mécanisme est placé derrière la caravane, mais devant chez moi ! Je sens mon âme de grincheux se réveiller et je peste contre toutes ces machineries pourvoyeuses de décibels, tout cela juste pour assurer un peu de confort ....
Je peste contre ces surplus de confort qui me paraissent un luxe inutile en camping, mais après réflexion, moi et mon petit bungalow, c'est aussi un petit confort inutile. En fait tout cela est bien naturel, on recherche tous un petit plus de confort, et notre société de consommation n'est pas avare de produits.
Je dois donc m'incliner ... et me calmer, d'ailleurs la clim s'arrêtera quelques temps après et je dormirai du sommeil du juste toute la nuit.
4 ème Etape : Bréhémont - Pont de Cé (Angers)
Je suis réveillé de bonne heure par une mobylette qui a dû perdre la moitié de son pot d'échappement et qui passe juste en bordure du camping ... c'est à dire à 2 mètres de mon bungalow de toile...Ce matin je m'offre, pour 6€, le luxe d'un petit déjeuner au bar du camping ! Je le savoure jusqu'a la dernière miette.
Aujourd'hui j'ai 10 km à faire en plus, ceux que je n'ai pas faits hier, ce qui devrait me mener à 100 km au moins. La première partie est roulante,
Traversée bucolique de l'Indre,
mais malheureusement je découvre un magnifique héron gisant sur le pont, pas de blessure apparente, que lui est-il arrivé ? Je le dépose délicatement sur le rebord de la route pour qu'il ne se fasse pas écraser ... cela me fait mal au coeur, il est si beau.
Je fais quelques km avec un autre cycliste, on s'aide mutuellement dans la reconnaissance du parcours. Son équipement est plutôt rustique, mais il avance bien le bougre.
Je double un couple d'amis aussi en randonnée sur la Loire à vélo, c'est l'occasion de bavarder tout en roulant.
Candes-St-Martin, magnifique village, peut-être le plus bel endroit de la Loire à Vélo.
Je ne résiste pas à faire un tour dans l'abbatiale,
A Montsoreau, les panneaux indiquent Saumur par "les coteaux", et Saumur par "Loire et Forêt", c'est bon, j'ai déjà donné hier, ce sera par Loire et Forêt ! Pas question de grimper à nouveau là-haut, je n'ai pas le temps ni l'énergie.
Et puis ... que s'est-il passé ? à un moment donné j'ai dû perdre l'itinéraire officiel, j'ai dû suivre d'autres panneaux, et .... j'ai grimpé ... tout là haut, sur la ligne de crête ...
Je croise un groupe de randonneurs, ils ressemblent à des pèlerins de Compostelle, ils me font une haie d'honneur !
Du coup je ne regrette pas, et arriver à Saumur par en haut, ce n'est pas si mal !
Le ciel est noir, l'ambiance est lourde, l'orage n'est pas loin.
Je mange en centre ville. La rue est joliment décorée avec des parapluies, ces parapluies ouverts sont-ils un mauvais présage ? En tout cas l'orage passe à coté, je peux continuer ma route sereinement.
Cette fois ci, pas question de grimper, ce sera la route s'il le faut et je reste vigilant, mais l'itinéraire grimpe inexorablement, je n'ai pas le choix.
En rive gauche de la Loire, la balade se poursuit sur la route relativement bien aménagée.
Terrasses aménagées en jardin potager artistique,
J'espère qu'il n'y a aucun rapport entre ces 2 panneaux ...
Dans cette dernière partie, j'avance bien, c'est plat, quelques zig-zag pour rester sur les petites routes.
Plus que 10 km, l'orage gronde mais n'avance pas trop vite, à priori je serai au camping avant que l'orage n'arrive.
La direction du vélo devient tout à coup bien mole et les pédales bien dures .... non .... c'est pas possible ?
je viens de crever !!! Au pire moment, je vois la pluie au loin.
Réparation express, c'est la roue avant, facile ... enfin presque, parce que quand on a un orage aux fesses, on stresse un peu. Une demi-heure de perdue, c'est évidement une demi-heure de trop, je repars à fond, mais c'est trop tard, l'orage m'a rattrapé.
Je sors une grande cape de pluie et décide d'attendre que l'orage passe ...
Un cycliste arrive dans l'autre sens, et m'explique en anglais un problème un peu plus loin ... tout à coup je me souviens que sur l'itinéraire il y a un bac manuel à passer et qu'apparement il est difficile à passer. La pluie diminue, je peux repartir.
1 km plus loin le fameux bac ! Il est de l'autre coté, la pluie recommence ... comment faire ?
Un bout de chaîne dépasse de l'eau, il faut tirer dessus pour ramener le bac sur la rive, c'est dur, c'est lourd, et enfin le bac est là et je peux embarquer ... quoique ... dès que je pose un pied, le bac s'éloigne, mais comment vais-je faire pour monter avec mon vélo de 35 kg ?
C'est impossible ! Il me faut accrocher le bac, j'ai un petit mousqueton, ouf, je peux embarquer, puis passer de l'autre coté, en tirant la chaîne, les mains pleines de vase, à nouveau accrocher le bac, et sortir de l'autre coté.
Ce bac est très certainement sympa, mais à plusieurs et par beau temps ! sinon, seul et sous le pluie, c'est vraiment la galère !
Je repars sous la pluie qui s'intensifie en doublant le débit toutes les minutes, la piste n'est plus qu'un ruisseau, je roule dans l'eau, dessus, dessous, de l'eau partout ... je ne vois plus rien, je ne sais plus où je vais ... impossible de consulter le GPS, et de plus je n'ai pas préparé ma trace pensant naïvement que je trouverai facilement la direction de Pont-de-Cé. Dans une situation pareille, on a du mal réfléchir, ses capacités cognitives sont diminuées (!), je me croirais dans une épreuve de Fort Boyard ! J'ai le choix entre deux directions, Angers ou Saumur/Loire Bis .... ? Loire-Bis est peut être ma direction mais dans le doute, je renonce.
Je prends direction Angers dans l'espoir de trouver un hôtel, vu la situation, je ne m'imagine pas monter la tente. Bien sûr je perds l'itinéraire et je me retrouve sur des voies rapides menant direct à l'autoroute ... sous la pluie, qui parfois diminue pour reprendre aussitôt !
Tant bien que mal, je suis une direction qui mêne à l'hôtel de la Loire, j'y arrive, je suis sauvé !
A l'accueil "je n'ai plus de chambre, je suis complet, et vous n'en trouverez pas ailleurs à cause du festival de musique !".
Je commence à douter, l'heure tourne, j'ai froid, vais-je passer la nuit sous un pont ? Il ne me reste que le camping, encore faut-il que je le trouve ?
L'hôtesse de l'hôtel m'a donné une vague direction ... j'y vais, au bout de quelques km, un panneau "Camping" ! Super, et la pluie s'est arrêtée, je suis la direction.
Pont-de-Cé que j'avais imaginé comme un petit village, en fait, est immense, c'est la banlieue d'Angers.
J'arrive au camping sans encombre, épuisé, trempé jusqu'aux os, frigorifié. Je demande si elle a une location ? Il reste un petit bungalow en dur, sur pilotis, avec l'électricité ... pour 28€ et en plus il y a un petit chauffage électrique, je vais pouvoir faire sécher toutes mes affaires !
Ma bonne étoile m'avait abandonné quelques heures, mais elle est vite revenue à ma rescousse !
Il y a un snack au camping, j'y vais vite avant qu'il ne ferme. Le choix est réduit, saucisse frites, burger frites, ou croque-monsieur frites, et en dessert, glace ou glace.
Ce n'est pas très diététique, mais les émotions ça creuse !
Je finis la soirée sous la douche, bien chaude.
5 ème Etape ... retour à la maison
Au réveil, il pleut. La météo n'est pas folichonne et les prévisions pour les 2 jours avenirs ne sont pas terribles. La journée d'hier m'a fatigué. Je ne me sens pas d'attaque ...Tant pis, je vais rentrer, c'est déjà pas mal, et puis ce sera un prétexte pour refaire cette randonnée.
Je plie sans me presser, la pluie devrait cesser dans la matinée.
En face de mon bungalow, j'avais remarqué un cycliste sous la tente, bien qu'il ne ressemblait pas tout à fait au randonneur de la Loire à vélo. Ce matin, il vient me voir pour bavarder, intrigué par mon vélo. Au fur et à mesure de la conversation, je dois me rendre à l'évidence, c'est un SDF. Il me raconte ses problèmes administratifs, son RSA, sa jeunesse à la DAS, ses galères quotidiennes ... tout est problème pour lui, tout ... je ne sais pas si moi je saurais (sur)vivre dans une telle situation.
il me dit au revoir avec un large sourire, je le laisse à ses soucis, je regagne ma maison, je n'ai pas de problème pour payer mon billet de train et mon sandwich, je vais rentrer dans une maison, retrouver ma famille, un lit douillet ... lui, rien de tout cela. Cela me laisse perplexe, sois-disant, nous avons un état providence, nous sommes des assistés, nous sommes les champions du social ... je doute, la France a de gros progrès encore à faire.
Direction, la gare d'Angers, le TER pour Nantes 30 minutes après ... le contrôleur râle en voyant mon vélo, ne sont admis que les vélos qui peuvent être accrochés aux portes vélos, c'est écrit quelque part, mais sans pouvoir me dire où. De même pour une maman qui voyage à vélo avec son enfant dans la remorque ... les remorques sont interdites. Merci la SNCF, le service public, mais quel service au fait ? Comme nous sommes les seuls, il ne fait pas plus de zèle que de rappeler la règle.
Une voie suave annonce le TER pour Nantes " ... le transport des vélos est gratuit comme bagage à main...", c'est celaââââ ouuuui ! mon vélo un bagage à main ?!
J'aime bien, par devant la SNCF se sert des vélos comme promotion, mais par derrière c'est interdit aux vélos couchés, aux trikes, aux tandems, aux remorques ...
Nantes, j'échange mon billet de TGV, départ une heure après. Il faut savoir aussi que les TGV qui acceptent les vélos sont uniquement les anciens TGV. Les nouveaux TGV à double étage n'ont plus d'espace vélo, il faut pouvoir le démonter et le transporter dans une housse comme bagage à main (!), et donc fini pour moi les TGV sur la plupart des lignes. C'est beau le progrès !
Un garage à vélo à l'extérieur de la gare, plutôt rare en France, Nantes est une ville qui fait beaucoup pour le vélo,
Montparnasse,
Il me reste 30 km à faire, sous la pluie, par la coulée verte, vraiment pénible à faire en vélo de rando, il faut s'arrêter à tout bout champ, traverser des rues, une succession de montagnes russes, des voies étroites, du monde ...
Enfin la maison ! 455 km au compteur.
Comme trace GPS, j'ai utilisé la trace officielle de l'Eurovélo 6 de Bale à l'Atlantique que vous trouverez ici https://www.eurovelo6-france.com/
Et une trace perso de Bures-sur-Yvette à Orléans faite sur Bikemap https://www.bikemap.net/fr/route/4033266-bures-sur-yvette-orleans/
Avec Real-Time GPS tracker, ma randonnée ressemble à cela:
Il manque la partie Angers - Nantes, ce sera pour une autre fois, mais d'ici là, il va falloir que je m'équipe pour affronter la pluie dans de meilleures conditions !
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