De la Bourgogne à la Provence par le Jura et les Alpes

Voilà déjà plus de six mois que je rêve à cette randonnée à vélo, les yeux rivés sur mon ordinateur à la recherche du meilleur itinéraire, à évaluer les difficultés, à rechercher les campings ... le départ approche, je joue les contorsionnistes sur un escabeau pour réparer un volet roulant, et me voilà avec un lumbago, raide comme un passe-lacet, bien mal en point pour partir ... Mon agenda ne me permet pas vraiment de reporter à plus tard, malheureusement ce sera pour l'année prochaine ... la déprime me guette, une légère amélioration et je reprends espoir, je réadapte un peu mon programme, je repousse de deux jours ! Le lumbago dans le fauteuil de mon vélo couché ne me gène pas plus que cela, alors je pars !
Voyage à vélo de la Bourgogne à la Provence
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Le programme de cette randonnée est de partir de Dijon, longer un peu la vallée du Doubs par l'EuroVélo6, bifurquer sur le Jura, descendre la vallée de l'Ain, remonter le Rhône par la ViaRhôna, border le Lac du Bourget, traverser les villes de Aix-les-Bains, Chambéry, Grenoble, m'avancer en train jusqu'à Veynes dans les Hautes-Alpes, descendre la vallée de la Durance, passer la montagne St Victoire et St Maximin-la-St-Baume puis finir sur la presqu'île de Giens avec une journée sur l'île de Porquerolles.

Au sommaire :

1 er jour : de Dole à Salins les Bains

Mercredi 22 Août

Le train sera mon allié dans ce début de rando. Debout avant l'aube, dans le premier métro RER avec les travailleurs les plus matinaux, je descends à la station Denfert-Rochereau qui possède un ascenseur où même mon vélo peut rentrer (!) ... pas de chance il est en panne ! je vais à la station suivante Port Royal, ce sont des escalators, ils feront l'affaire.
Il me reste à atteindre la gare de Bercy, balade agréable dans Paris à l'aurore ...

Merci d'être venu
Gare de Bercy, pas de train, en fait il a été reprogrammé en gare de Lyon ... ce n'est pas loin en vélo, me voilà reparti, heureusement que je suis en avance !
Voyage à vélo de la Bourgogne à la Provence
Trois heures de train jusqu'à Dijon, tranquille, doucement bercé ... j'avais prévu initialement de partir de Dijon, je continue en train jusqu'à Dole, tant pis je saute ma première étape pour rattraper un jour dans mon calendrier.
Un jeune couple en tandem monte également, ils parlent un peu de français, bien l'anglais, l'allemand ... ils m'épatent. Le TER s'arrête dans toutes les petites gares, dont une que je reconnais au premier coup d'oeil, Auxonne, j'y ai fait mon service militaire il y a 45 ans déjà !!

Mauvais départ
Enfin Dole, et pour sortir de la gare, l'escalier est raide, pas d'ascenseur, avec mon dos en compote, ce n'est pas le meilleur exercice. Je me demande bien comment font les handicapés ? Cela fait plus de quinze ans que la loi impose des aménagements dans les lieux publics... et toujours rien.
Voyage à vélo, à la gare
Il est déjà 13h, il fait chaud, j'ai du mal à me mettre dans le bain de mon voyage, je suis déboussolé par ces changements de dernière minute, inquiet pour mon mal au dos, et je n'ai qu'une après-midi sous la chaleur pour faire mon étape.
Première pause dans cette randonnée ... et un clin d'oeil à mes soucis de santé du printemps !
Je suis sur l'Euro Vélo 6, une vélo route qui va de l'Atlantique à la Mer Noire, je croise quelques randonneurs comme moi et des locaux.
Voyage à vélo, EV6
En direction de Arc-et-Senans, j'ai droit encore à une belle piste cyclable en parallèle de la route et mes premières grimpettes un peu raides.
Voyage à vélo, forêt de Chaux
C'est une nouveauté pour moi, j'ai osé me programmer un voyage en moyenne montagne avec un peu de dénivelé, je commence par le Jura !
Arc-et-Senans, la saline Royale

Le plat pays
Je fais quelques rencontres, je demande à mon interlocuteur si ça grimpe jusqu'à Salins-les-Bains, "oooh non, quasiment pas", en fait ça grimpe tout le temps ! C'est sûr, en voiture, il n'y a pas de côte, c'est à peine si l'on s'aperçoit que l'on appuie un peu plus sur l'accélérateur, aucun effort à faire, juste la consommation du moteur qui augmente sans qu'on le sache. Rien de tel que le vélo pour comprendre la réalité du terrain et connaître quelle quantité d'énergie est nécessaire pour grimper une côte !

La toute première fois
Les orages menacent avec de beaux cumulonimbus, des averses au loin, je force l'allure, et puis rien, tant mieux. Les paysages changent, la vallée se rétrécit, la rivière est un torrent, et de part et d'autre des falaises, ça y est je suis en montagne, une première pour moi !
Salins-les-Bains, ce n'était pas loin, mais je suis content, j'ai passé ma première épreuve, cela me rassure, je monte ma tente, je retrouve mes habitudes, je suis un peu raide, mais c'est bon, je sens que cette randonnée va me plaire.

2 ème jour : de Salins-les-Bains à Pont-de-Poitte

Jeudi 23 Août

Je n'ai que 55 km à faire aujourd'hui, mais je les redoute, c'est une belle côte qui m'attend, 8 km de montée !
Je ne me presse pas, mon voisin de camping vient bavarder avec moi, lui est en quad, un gros modèle, ce n'est pas courant pour partir en vacances.

De bon coeur
Pour mon petit déjeuner, j'ai droit à un croissant en plus, et en faisant mes courses au marché, c'est une banane qui m'est offerte gentiment.
Une belle boutique ancienne en quittant Salins-les-Bains

Cool jack
Pas le temps de me mettre en jambes, la côte démarre tout de suite. Je n'ai aucune expérience de la montagne, je dois économiser mon énergie, ne pas forcer sur mes genoux. Je roule entre 6 et 10 km/h, pas facile, je n'ai plus d'air pour rafraîchir le moteur et j'ai l'impression de faire du sur-place, de plus je ne suis pas très à l'aise pour ma sécurité, les voitures arrivent vite dans mon dos ...
Il me faut prendre le rythme, ne pas forcer, mouliner tranquillement. Il me faut accepter de rouler à petite vitesse, tolérer la lenteur.
Petit à petit les kilomètres avancent, je monte en altitude ... oooh pas bien haut, 650m, ce n'est pas l'Himalaya ! et j'y arrive sans vraiment fatiguer plus que ça, et là je suis plutôt content ! Le casse-croute est le bienvenu, je sens que j'ai dépensé des calories qu'il faut bien compenser.

La caillasse
En principe, ma route n'est pas compliquée, c'est presque tout droit. Et bien sûr c'est toujours dans ces cas là que je me trompe, je suis un peu trop confiant !
Comme d'habitude, à l'occasion d'une photo, je vérifie ma trace pour m'apercevoir que j'ai raté mon embranchement ... bizarre je n'ai rien vu ... Je retrouve ma petite route, sans aucun panneau indicateur, qui rapidement se transforme en un chemin de caillasse ! Mince ! Ce n'est pas ce que j'avais prévu, les cartes sont trompeuses, elles ne disent pas l'état de la route.
Voyage à vélo de la Bourgogne à la Provence
Je n'ai pas le choix, 5 km à faire là dessus, tant pis, j'y arriverai bien ! Mais c'est vraiment impraticable pour moi, heureusement mon calvaire s'arrête au bout de 2 km avec le retour du bitume, youpi !!

Bon appétit
J'ai une belle place au camping. Je vais faire quelques courses, il y a peu de commerçants en ville, mais Jura oblige, il y a une fromagerie ! je repars avec un beau morceau de fromage, un petit pâté, et du bon pain à la boulangerie.
Les orages menacent, le vent se renforce, la pluie arrive, je me réfugie sous la tente ... et je me fais un repas de roi !
La nuit sera arrosée par les orages, ça va, la tente tient le coup.

3 ème jour : de Pont-de-Poitte à Thoirette puis Chambod

Vendredi 24 Août

Au matin tout est trempé, je plie la tente, elle dégouline et pèse le double.

Bizarre ce mec là
Je déjeune debout, le siège que j'avais trouvé hier soir est trempé. Au menu, muesli avec des raisins secs, croissant et pain au chocolat et un demi litre de thé. Je sens un regard porté sur moi ... ce sont mes voisins qui déjeunent dans leur caravane et qui m'observent derrière la vitre. On est tous curieux de connaître comment vivent les autres, surtout si cela est différent de soi, et je sais bien qu'avec mon vélo-couché, en camping, je passe pour un hurluberlu...

Un vrai manège
Il fait gris aujourd'hui, la météo prévoit des averses, je mets à portée de main mes impers.
En chemin, un compagnon à qui j'ai donné un quignon de pain.
Premier paysage de la journée.
Voyage à vélo, Jura
Mon appli gps m'indique 700 m de dénivelé pour aujourd'hui, cela me semble un peu exagéré, mais tout de même, je dois rester vigilant. Le ciel s'éclaircit, les paysages sont beaux, cela monte et descend, la route serpente dans une belle forêt, elle monte doucement, il y a peu de circulation ... oh mais je suis en train de prendre goût à la montagne ! je prends du plaisir à grimper tranquillement, puis à dévaler la pente à toute allure, les paysages défilent et se renouvellent sans cesse. Pour une fois j'ai l'impression d'avoir plus de descentes que de montées.

Ne jamais dire jamais
Quand je pense que le jour où j'ai acheté mon vélo, mon vendeur me proposa des freins à disque. Je lui ai répondu que je ne ferai jamais de montagne, et donc que les freins à disque ne me seraient pas utiles. Mes freins à patins sont efficaces ... jusqu'au jour où mes jantes seront usées jusqu'à la corde ...
Il est vrai que je n'aurais jamais imaginé grimper ainsi, et y prendre du plaisir !
Certes, ici ce n'est que de la petite montagne, loin de moi l'idée de monter un grand col, mes genoux ne seraient pas d'accord. C'est trop tard, j'aurais dû faire du vélo plus jeune.
Dans les descentes, ça file !
Voyage à vélo, Jura

Fermeture définitive
L'étape était courte, à 14h je suis déjà arrivé à Thoirette. Je cherche le camping ... il semble être là, mais il est vide et les sanitaires sont en ruines. Manifestement il est fermé, la municipalité a abandonné son camping. Je pourrais bivouaquer ici, il y a de l'eau et des toilettes à proximité, mais bon, j'ai toute l'après midi devant moi, et je ne suis pas fatigué, je vais donc aller au camping suivant, à Chambod, 25 km tout de même !

La petite bête qui monte, qui monte ...
Je repars confiant, itinéraire à priori descendant, c'est la vallée de l'Ain. Mais ça grimpe, la route est fréquentée, je monte, je monte ... arrivé là haut je vérifie tout de même mon itinéraire, étonné de remonter sur les hauteurs ... et bien sûr j'ai raté l'embranchement, j'aurais dû passer tout en bas !
Je râle après moi, je m'épuise pour rien. Moi qui avais raccourci mes étapes pour me ménager, voilà que je suis obligé de les rallonger et en plus je rajoute du dénivelé gratuit !
Mais tout de même, je me demande bien d'où je tire toute cette énergie, tant que mes genoux tiennent, c'est bon, je peux aller au bout du monde.

Bon anniversaire
En redescendant j'arrive à un pont, très beau, de la musique de type jazz New Orléans monte de là, il y a du monde, l'ambiance est à la fête, c'est pour fêter un anniversaire. Je fais aussi l'attraction malgré moi, et je croule sous le feu des questions sur mon vélo et ma randonnée !


Le reste de l'étape est superbe, dans la vallée de l'Ain, avec des paysages magnifiques. Dommage, le temps est gris et je commence à fatiguer.
Je suis presque arrivé, je demande à deux personnes sur le bord de la route où se trouve le camping, je n'ai pas fini ma question que l'entrée se présente à quelques mètres !

Bon anniversaire bis
J'avais bien envie de m'asseoir à une table pour diner ce soir après 96 km au compteur, mais après analyse du menu du snack du camping, j'abandonne, je vais voir un autre snack qui m'avait paru très sympa en bordure de l'Ain. Arrivé sur place, la serveuse désolée m'informe que le snack est réservé pour une soirée privée ... un anniversaire ! Décidément c'est le jour des anniversaires !! Dommage, il y avait de la bonne musique aussi ! J'ai tout de même droit de siroter une bière à l'extérieur ... Ce soir je vais donc puiser dans mes réserves, des pâtes lyophilisées et mes restes de fromages.

Qui cherche trouve
Durant la journée, j'ai plein de réflexions dans la tête, mais le soir venu, elles s'évanouissent quand je désire les transcrire sur mon petit carnet ... Des questions traversent mon esprit, mais que fais-je ici ? Qu'est-ce qui m'a amené jusqu'ici ? Pourquoi ? Y a-t-il une réponse ? Je cherche ... mais peut être est-ce cette randonnée qui est elle même une recherche ... mais de quoi ? J'ai tout de même quelques indices qui apparaissent au fur et à mesure comme des petits cailloux sur mon chemin pour ne pas me perdre. Il y a des souvenirs de jeunesse qui jaillissent comme cette gare d'Auxonne le premier jour, ou ces petites églises où je m'arrête pour y trouver un peu de quiétude. Alors je roule sans relâche à la recherche de ces petits cailloux, ils sont là quelque part, à moi de les trouver.

4 ème jour : de Chambod à Sault-Brénaz

Samedi 25 Août

Debout les gars
Hier soir la fraîcheur est arrivée d'un coup, je me suis bien couvert, j'ai dormi comme un loir. La nuit a été calme, très calme, le silence complet, quelque chose que l'on ne connait plus.
Ce matin je traîne au lit, une petite flemme s'est emparé de moi, je dois me lever, mais quand ? je dois prendre la décision et la traduire dans les faits ... pas facile (!). Quelques temps après, un influx nerveux secoua tout mon être, j'étais debout !

C'est le quatrième jour, et j'ai l'impression d'être parti depuis longtemps, très longtemps, c'est la magie du voyage à vélo.

Jour du don
Nous sommes samedi, fin Août, la fin des vacances pour beaucoup. Le bungalow d'à coté est en plein rangement, je déjeune tranquillement, je vois ma voisine s'approcher de moi avec une boite de lait à la main, elle me la donne gentiment, plutôt que de la jeter. Je peux ainsi boire du lait à mon petit déjeuner comme dans mon enfance !
En partant je traverse un petit village avec une ferme typique et qui a conservé quelques traditions.

C'est mieux ailleurs
Il fait gris, la pluie menace. Va-t-il pleuvoir ? Est-ce cela la surprise ou galère du jour ?
Seulement quelques gouttes un peu plus tard dans la matinée.
Aujourd'hui je quitte le Jura, je descends dans la vallée du Rhône, je retrouve les grandes routes, l'urbanisation, les zones commerciales ... je ne me sens pas vraiment de ce monde, je suis plus à l'aise dans les montagnes, au calme, près de la nature. Mais voilà, je suis comme tout le monde, je profite des bienfaits du monde moderne, et j'en rejette ses effets secondaires.

Ça fait viril
En traversant une ville, une BMW décapotable de gros calibre me double en faisant des "vroum vroum". Un peu plus loin, ce sont des adolescents sur leurs motos 50 cm3 qui font des "vrim vrim" !
Les mécaniques aux moteurs bruyants restent des marqueurs de virilité. Je me demande bien comment on faisait avant ... Fallait-il un cheval qui pète plus fort que les autres ? Mystère ... mais avec l'arrivée des moteurs électriques, il va bien falloir trouver autre chose !
Cette voiture de frimeur doit se payer au prix fort ... cela m'amène à me demander à quoi sert l'argent dans notre société ? Bien sûr pour la plupart d'entre nous, il sert en priorité à notre logement et à notre nourriture. Mais cette voiture de luxe me parait être de l'inutile, du futile, elle ne sert à rien, tout cet argent englouti ne sert à rien ... plus on a de l'argent, plus on consomme de l'inutile, plus on participe à la dégradation de notre environnement.

Biosiness
Je m'arrête devant un Biocoop pour faire mes courses, il est tout neuf, grand, tout clean, on dirait un super-marché ... je crains une dérive du bio vers le business, ce n'est pas la meilleure des solutions pour sauver la planète.
A coté une boulangerie bio, qui vient d'ouvrir récemment. Alors là une réussite, un pain extraordinaire, je regrette de ne pouvoir prendre que le minimum, je n'ai pas de place.

Jour du don suite
J'arrive sur les bords du Rhône, sur une aire de pique-nique une table me tend les bras. Aujourd'hui il fait frais, pas de soleil, je dois me rajouter une couche pour manger sans me geler. Je finis mon casse-croute, et au moment où je me disais "j'aurais bien aimé un petit café chaud", le propriétaire du camping-car garé à quelques mètres s'avance vers moi et me dis "Voulez-vous un petit café ?", puis il revient deux minutes plus tard avec un gobelet et un petit biscuit !

Il ne me reste que quelques kilomètres sur la ViaRhôna sur une très belle piste en bordure du Rhône.
Voyage à vélo, ViaRhôna

Voyage à vélo, ViaRhôna
Camping au bord de l'eau
J'arrive de bonne heure au camping, il y a de l'animation, et pour cause c'est un centre dédié aux eaux vives. Sur une île du Rhône a été aménagé un parcours pour kayak et rafting à partir des eaux du Rhône, une superbe réalisation.
L'accueil m'a prévenu, attention, il y a une équipe de rugby en stage dans le camp ... je plante ma tente au plus loin, me doutant que ces joyeux lurons seront un peu bruyants ce soir. Mais le camping est petit, je ne peux guère m'éloigner ...

Frileux
Il fait frais, le soleil est rare, un petit 17°c avec quelques gouttes, je dois être fatigué j'ai froid. Je repense à un livre de Jean-Louis Etienne que j'ai relu récemment, lui qui a traversé la banquise pendant 3 mois par -40°c, il me parait être un sur-homme moralement et physiquement, et moi à coté ... j'ai froid alors qu'il fait 17°c, je me sens bien fragile, je ne suis qu'un aventurier de papier !

Plouf
Je passe mon après midi à regarder le spectacle ! je ne m'ennuie pas. J'en profite pour me reposer et me réhydrater.
Effectivement les rugbymen sont là, de beaux bébés joufflus, qui ont de l'énergie à revendre, avec un bel accent du sud !

Nuit blanche
Et bien sûr comme je pouvais m'y attendre, à l'heure où je me couche, ces joyeux drilles se réveillent. Apparemment ce ne sont pas les promenades en bateaux qui les ont fatigués(!). Ils chantent, crient, s'interpellent ... 22h ils s'échauffent la voix, 23h les chants montent d'un cran, c'est qu'ils chantent bien les bougres, minuit la pleine forme, 1h du matin un essoufflement est perceptible, 2h quelques cris et beuglements, 3h quelques irréductibles, 4h silence entrecoupé, 6h fini, plus rien ! ... mais pour moi c'est l'heure de me lever !

5 ème jour : de Sault-Brénaz à Chindrieux

Dimanche 26 Août

J'ai dormi en pointillé et le froid m'a gêné, à peine 9°c au réveil. Le soleil est derrière les brumes et peine à réchauffer l'atmosphère.
Les couleurs du matin sont magnifiques, les brumes cachent encore les montagnes avant de se dissiper. La journée va être belle, avec un beau ciel bleu qui se dégage peu à peu.

Chimère nucléaire
Je suis ma trace, qui elle ne suit pas la ViaRhôna, dommage ... mais la route est belle, avec de beaux paysages, et elle n'est que peu fréquentée.
Certains paysages peuvent rappeler des souvenirs aux plus anciens comme moi. Qui se rappelle de Crey-Malville ? de SuperPhénix ? Lors d'une manifestation en 1977, il y eut un mort.
Une centrale que l'on peut qualifier de folie technologique, de chimère nucléaire, une centrale qui a couté très très cher, et qui n'a fonctionné que quelques mois, et 40 ans après elle coûte encore très cher pour son démantèlement. Le prix du kilowatt/heure produit par cette centrale doit être astronomique !
Voyage à vélo, Crey-Malville
Sur un beau pont suspendu, je croise un cycliste et lui demande où passe la ViaRhôna direction Genève ... en fait elle passe là, il suffit de chercher les panneaux.

Le vide plein
Sur le coup de midi, coup de chance, je passe devant une petite boulangerie, je prends la dernière quiche et un petit pain. aujourd'hui c'est dimanche, difficile de faire ses courses, et ce soir pas la peine d'y penser. Comme je n'ai pas grand chose, je pense aller au restaurant ce midi, il y en a un justement en bord du Rhône qui me paraît parfait. Je rentre, quelques tables sont occupées, mais la terrasse est immense, ce n'est pas la place qui manque. "Désolé, mais nous sommes complets !" ... ah ... Cela fait toujours drôle d'entendre que l'on est complet devant une salle quasi vide. Mais il est vrai qu'en province, la coutume veut que l'on aille au restaurant en famille le dimanche midi, d'ailleurs le parking se remplit rapidement, et tout ce monde rentre dans le restaurant. Tant pis je vais manger ma quiche, je verrai bien ce soir.

Seul
La ViaRhôna est une belle piste cyclable, c'est un plaisir que de rouler dans ces paysages, tranquille, quoique il y ait des vélos en nombre, normal pour un week-end de beau temps. Je repense à mes petites routes du Jura, personne, pas de voiture ou si peu, de rares vélos ... J'aime bien la solitude.
Voyage à vélo de la Bourgogne à la Provence, ViaRhôna
Je finis avec une belle grimpette pour arriver à Chindrieux et son camping en contre-bas. 80 Km aujourd'hui, c'est pas mal.

Manger pour vivre
Par contre ici, il n'y a rien à manger, je vais donc finir mes réserves, après il ne me restera plus rien, demain c'est impératif, je dois refaire le plein. Mais j'ai de la chance, je ne me soucie pas plus que ça du lendemain, il me suffira de trouver un magasin, j'ai assez d'argent pour me nourrir autant que nécessaire et me loger correctement le soir, alors que tant d'humains souffrent de la faim ou sont sdf.

6 ème jour : de Chindrieux à Grenoble

Lundi 27 Août

Aglagla
Ce matin il fait froid, à peine 8°c, le ciel est pur. En pliant ma tente trempée de rosée, je ne sens plus le bout de mes doigts, je suis gelé, le petit déjeuner bien chaud est le bienvenu.
Le soleil est derrière la montagne, sur la route je reste à l'ombre, je tremble de froid et je zigzague sur la route, je suis obligé de ralentir dans les descentes tellement je tremble. Je ne souhaite qu'une bonne côte pour espérer me réchauffer !

Au paradis
Je longe le lac du Bourget, le paysage est magnifique, la route est fréquentée et l'espace vélo inexistant, mais je n'ai d'yeux que pour le lac.
Voyage à vélo de la Bourgogne à la Provence, lac du Bourget
Aix-les-Bains, le soleil est enfin là pour me réchauffer. Je vais sur le port, je me croirais sur les bords de la Méditerranée. Avec ce beau temps les couleurs sont superbes, le blanc des bateaux, le bleu du lac, du ciel, le vert des montagnes environnantes, tout resplendit avec ce soleil matinal de fin d'été.
Je continue sur la promenade aménagée jusqu'à l'autre bout du lac. Il y a du monde, à pied, en roller, en vélo, en chaises roulantes, en trottinettes ... il flotte comme un air de fête, une image de paradis, de bonheur simple devant ce paysage du lac et de la montagne. Ce sera probablement mon plus beau paysage de cette randonnée.

C'est vraiment chouette le voyage à vélo, je suis émerveillé du matin au soir, je profite de chaque instant, de chaque paysage. Ni trop vite, ni trop lentement, je m'arrête où je veux, c'est une sensation de liberté, à vélo je suis sur un nuage.

Je descends de la montagne
A la sortie de Chambéry, je retrouve un cycliste que j'avais vu dans la matinée. Nous bavardons, il connait bien le coin, et il me conseille de prendre la V63 pour aller sur Grenoble, elle est bien balisée et sur des petites routes. J'adopte sa proposition parce qu'effectivement j'avais eu du mal à tracer une route sur la carte pour cette étape.
L'itinéraire est superbe, tranquille, avec encore de beaux paysages, le Mont Blanc au loin. L'itinéraire est globalement descendant, avec à un moment donné, un mur ! un vrai, où l'on prie pour que les freins ne vous lâchent pas en chemin !
Ensuite c'est la vallée de l'Isère, ses champs, ses vergers, ses noyers. Je n'avance pas vite, je profite de cette belle journée, je ne suis pas pressé, je serai à l'hôtel ce soir, et c'est si beau. Le Vercors au loin, la Chartreuse et le massif de Belledonne de part et d'autre, j'aimerais que cette randonnée ne s'arrête jamais ...
Voyage à vélo de la Bourgogne à la Provence


Respirer ou pas ?
 Je suis en pleine campagne, loin de tout, dans la nature, avec l'impression d'être loin de la civilisation et de ses pollutions ... mais pendant plusieurs kilomètres, je suis gêné par une odeur bizarre, désagréable, elle me rappelle celle que l'on sent dans les rayonnages de pesticides des jardineries. Je suis en train de me faire empoisonner, je respire à plein poumon une saloperie de l'industrie chimique épandue sur je ne sais quelle culture ... L'image du paradis est trompeuse !

Je vole
Après avoir perdu ma V63 et fait un peu de route au milieu des zones industrielles, j'arrive tard à mon hôtel avec 95 km au compteur. Je m'étonne, je ne me sens pas fatigué, je ne comprends pas d'où me vient toute cette énergie ? C'est la vie, je vis pleinement, je suis vivant, avec tous mes sens et tous mes membres, je vis, je découvre le monde, la beauté de la nature, la beauté de la vie, j'avance, je roule, je vole ... comme quand j'étais gamin, je m'inventais des histoires, des rêves où je volais dans des soucoupes interplanétaires à la découverte de l'espace.

7 ème jour : de Grenoble à Veynes

Mardi 28 Août

C'est du propre
Être à l'hôtel, c'est reposant, j'ai beaucoup moins de choses à faire. J'en ai profité pour faire une petite lessive de quelques affaires.  En randonnée, c'est une chose importante, il faut pouvoir maintenir une bonne hygiène. Je vais donc toujours dans un camping le soir afin de profiter d'une bonne douche, et je lave systématiquement ma tenue cycliste. Je peux repartir ainsi le lendemain sans peur de sentir le bouc à trois kilomètres !

Aujourd'hui c'est une journée de quasi repos, j'ai prévu de prendre le train en gare de Grenoble et d'aller jusqu'à Veynes dans les Hautes-Alpes. Entre les deux villes, il y a le col de Lus-la-Croix-Haute à 1176m, et il n'y a qu'une route très fréquentée pour y accéder. Le train est la meilleure des solutions pour passer cet obstacle.

Extra ou ordinaire
En quittant l'hôtel, l'hôtesse semble épatée par ma randonnée et me souhaite "Bon courage !", je lui réponds "Mais je fais ça pour mon plaisir !". Je sens bien une incompréhension pour ce genre de loisir, qui doit lui sembler être de l'ordre de l'exploit sportif ... et pourtant, il n'y a rien d'extraordinaire, si moi je le fais(*), alors tout le monde peut le faire. Nous sommes ignorants de nos possibilités physiques, la voiture nous a pervertis et elle nous a atrophiés.
(*) J'ai 66 ans, avec une petite insuffisance cardiaque, et au Bac j'ai eu 7 sur 20 en athlétisme ... je suis loin de ce que l'on appelle un surhomme !

Vélotaf
Je roule sur une belle piste cyclable en bordure de l'Isère, très fréquentée par les travailleurs qui se rendent à leur travail. Je croise même un vélo couché, une rareté, mais ici en Isère il y en a beaucoup (beaucoup veut dire quelques dizaines ...).

En gare de Grenoble, il me faut changer de quai. Il y a des ascenseurs, mais trop étroits pour mon vélo, je dois le mettre vertical pour y rentrer. Une passagère pressée réussit même à monter avec moi avec ses bagages ... mais pas sans mal !

Tchou-tchou
J'attache bien mon vélo dans le train afin de voyager l'esprit tranquille. C'est un train de montagne, il chemine tranquillement, de ponts en tunnels, avec de belles vues sur le Vercors, le Trièves, le Dévoluy. Ce petit voyage est un régal, je reste là le nez collé à la vitre à contempler le paysage qui défile sous mes yeux.
Ce train est en danger, il risque de disparaître et être remplacé par de vulgaires bus ... cela me parait absurde.
Voyage à vélo de la Bourgogne à la Provence, en train

Je repense à la conception de cette randonnée, cet hiver, des heures durant devant mon ordinateur à rechercher, calculer, évaluer ... je l'ai déjà fait ce voyage ! mais en fait il ne ressemble en rien à ce que j'avais imaginé, c'est un autre voyage, un nouveau voyage.

Du sur place
Veynes, c'est ma destination du jour. Cela me fait drôle d'être ici, j'ai l'impression d'être chez moi, et pour cause, nous y venons souvent, ayant un pied à terre dans la station de ski voisine, mais je me garderais bien d'y aller, 1000m de dénivelé en quelques kilomètres !
Encore une journée chaude, heureusement au camping je trouve une place à l'ombre pour ma tente.
Je vais au supermarché faire quelques courses, mais j'ai du mal à trouver des choses qui me conviennent, surtout que je n'ai pas de réchaud pour cuisiner, seulement un thermoplongeur pour faire de l'eau chaude.

Générosité
En soirée, alors que je termine mon dîner, ma voisine s'approche avec dans les mains une belle crêpe, toute chaude, avec un accent néerlandais, elle me l'offre gentiment. Quelques minutes après j’aurai droit à une deuxième ! Je suis touché par ces marques de sympathie, surtout que les crêpes, j’adore ça. C'est une drôle de coïncidence, cet après-midi, au super-marché, j'avais hésité devant un paquet de crêpes bio, mais j'y avais renoncé, un produit frais et moelleux, j'aurai été obligé d'en jeter la moitié ...

Roule
Demain je reprends la route, direction Sisteron, la porte de la Provence, quoique ici, dans le Buëch, je suis déjà du coté de la Méditerranée. Demain je repars à l'aventure, à la découverte ... "Roule, tes souvenirs sont devant !" c'est la devise du magazine 200, une équipe de doux dingues de vélo, de littérature et de philosophie, qui écrivent avec talent. J'aime bien cette devise qui marie le présent, le passé et l'avenir dans l'action de rouler. Elle nous pousse à aller de l'avant, elle est remplie d'optimisme.
Alors moi aussi je roule, droit devant, vers mon futur, à la recherche ... d'un futur sans fin, d'une éternité. Ce voyage y ressemble, les journées sont longues, très longues, il y a tellement de choses à voir, à découvrir à chaque instant, la journée est tellement remplie que le soir je ne me souviens plus du matin. Chaque jour est une nouvelle vie, je renais chaque matin pour vivre une nouvelle journée, une nouvelle vie, une forme d'éternité.

8 ème jour : de Veynes à Sisteron

Mercredi 29 Août

Tout est plié, je suis prêt, reste le petit-déjeuner.
En sortant du camping, je croise quelqu'un qui promène son chien ... ce chien me dit quelque chose, j'ai l'impression de l'avoir vu quelque part ... ah oui c'est le chien de ma voisine (les crêpes !), je crie un "Au revoir" dix mètres plus loin, un peu tardif, et elle me répond.

La météo a prévu des orages pour aujourd'hui, je n'aime pas trop ça, du moins sur la route, mais à l'abri, les orages sont un spectacle de la nature magnifique. Le temps a changé, l’atmosphère est un peu laiteuse et les paysages sont enveloppés d'une brume bleutée.
La petite route est très belle, tranquille, personne à part le facteur, elle monte un peu et descend beaucoup. Comme d'habitude, je me régale. J'en profite pour faire quelques séances de vidéo.
Voyage à vélo de la Bourgogne à la Provence, Buëch

Voyage à vélo de la Bourgogne à la Provence

C'est allé très vite, beaucoup de descente aujourd'hui, j'ai dû économiser mes freins parce que à 14h30, je suis déjà devant le camping à attendre l'ouverture.
Je serais tenté de continuer, de m'avancer, mais à quoi bon, je dois calmer mes ardeurs pour ne pas abîmer le moteur !, surtout que le soleil revient en force et l'après midi est chaude, "cool jack, on n'est pas pressé ...". J'écoute mes conseils, je fais une petite sieste avant d'aller faire un tour dans les vieilles rues de Sisteron.
Voyage à vélo de la Bourgogne à la Provence, camping



9 ème jour : de Sisteron à Gréoux-les-bains

Jeudi 30 Août

En 3/4 d'heure j'ai tout plié, je suis maintenant bien rodé, mon rangement est efficace, tout rentre sans problème, j'ai fait des progrès !.
Aujourd'hui j'ai des kilomètres à faire, l'étape est descendante, mais mon gps me dit 700m positif comme l'autre fois. Ces logiciels gps ne sont pas fiables à propos du dénivelé, ils indiquent tous des valeurs très différentes pour une même trace.

Ça roule (pas) bien
Le début de mon étape est rapide avec de belles descentes, j'avance vite, je sens qu'aujourd'hui encore je vais arriver de bonne heure ...
Sur le coup de midi, ma route se transforme en chemin, puis en sentier ... pour se terminer en impasse ! Mince ... je n'ai pas envie de rebrousser chemin, j'essaye de comprendre ce que je fais là ... en fait mon chemin est quelques mètres plus bas, j'aurais dû continuer sur les bords du canal de la Durance, mais des panneaux dissuasifs m'ont fait bifurquer. Je trouve un raccourci puis enfin mon chemin.
Voyage à vélo de la Bourgogne à la Provence
Je retrouve mes petites routes, au milieu des oliviers.
Mais ici c'est la campagne, et la route à nouveau se transforme en chemin caillouteux ! Mon avance de ce matin fond comme neige au soleil, l'heure tourne et mon compteur kilométrique avance à pas de fourmi !

Pas une seconde à perdre
J'approche de Gréoux-les-Bains, j'ai droit à 10 km de route très fréquentée, sans espace vélo, et ici ce sont des excités de l'accélérateur.
Les voitures arrivent dans mon dos à vive allure, souvent obligées de ralentir à mon niveau, elles me collent, puis elles me doublent d'un coup d'accélérateur rageur !
Un vieux 4x4 LandRover me double dans un nuage de fumée noire ... Les voitures polluantes seraient-elles exemptées de contrôle technique ? Le réchauffement climatique a encore de beaux jours devant lui !

Enfin le camping après quelques erreurs d'itinéraire, 90 km, c'est un peu beaucoup, disons un peu long, c'était la vallée de la Durance, parfois un peu monotone, mais mes petits déboires sur les chemins m'ont diverti !
Voyage à vélo de la Bourgogne à la Provence

L'accordéoniste
Ce soir au camping, c'est soirée couscous avec animation musicale ... mais il fallait réserver à l'avance ! Je me contente d'une pizza, bien relevée, bien salée, aaah c'est difficile de se nourrir correctement en rando vélo !
C'est une soirée musicale, il faut bien amuser les curistes, de l'accordéon ... bon ... c'est pas que j'aime pas, mais je préférerais autre chose (!). Ma tente n'est pas loin, je me demande si je ne vais pas regretter les rugbymen de l'autre soir !

Rêve ou réalité ?
Je m'endors, je rêve que je roule, que ce voyage ne s'arrête jamais, que je roule pour toujours, les cheveux au vent, les yeux emplis de larmes de vent, je suis Magellan à la découverte d'une planète immense, d'un monde sans fin.
Dans la réalité, la fatigue m'arrête tout de même et je m'écroule le soir venu pour une nuit réparatrice, prêt le lendemain à recommencer, pour rouler jusqu'au bout du monde, rien ne m'arrêtera ... enfin presque, je sais bien qu'il suffira de trois gouttes de pluie pour m'arrêter net !

10 ème jour : de Gréoux-les-Bains à Puyloubier

Vendredi 31 Août

J'ai tout de même bien dormi malgré le bruit hier soir.
Un curiste vient bavarder pendant que je range mes affaires, "c'est le coin des cyclistes ici, hier il y avait un italien qui allait à Marseille, puis la Corse et retour ...".

Le rêve d'Icare
Sur la route il y a un peu de circulation. Je passe devant un grand complexe, installé en pleine nature, entouré de grillages, barbelés, caméras ... on dirait un camp militaire. En fait il s'agit du centre de recherche et d'expérimentation ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor). Pour simplifier, il s'agit de maitriser l'énergie du soleil (déjà utilisée dans la bombe H) ... pour faire de l'électricité. Le rêve est d'avoir " une énergie inépuisable". Après Crey-Malville, voici l'autre chimère nucléaire. Aaaah, ces ingénieurs du nucléaire sont de grands rêveurs ! mais des rêves qui nous coûtent cher !

Piège
L'étape d'aujourd'hui est avec du dénivelé, je commence par une petite route tranquille, qui monte doucement, sans difficulté ...  avec des côtes comme ça, je monte jusqu'au ciel sans problème !
Du coté de Rians, l'ambiance change, la route est très fréquentée, mais avec un espace vélo, et elle grimpe nettement plus. Je décide de faire une pose sur une aire de pique-nique. L'endroit n'est pas vraiment aménagé. En repartant, dans la descente, ma roue enfonce dans une couche épaisse de graviers, je bascule et m'étale sur le chemin, heureusement à petite vitesse. Je me relève furieux de l'état du parking offert aux gens de passage. Même pas mal ... mais il faut que je fasse attention !
Voyage à vélo de la Bourgogne à la Provence

Souvenirs
Je suis dans le massif de la St Victoire, une montagne mythique, surtout son versant sud, de toute beauté. Dans ma jeunesse, lors des vacances en famille, en voiture nous passions au loin sur la N7, j'admirais cette montagne, dressée là au milieu de la Provence, de couleur blanche immaculée, une falaise abrupte, j'étais fasciné. Aujourd'hui encore je reste émerveillé de la beauté de cette montagne, j'en ai fait un point de passage de ma randonnée.

En chemin, le spectacle des escargots qui grimpent en hauteur pour éviter les sols surchauffés de la journée.

Pressé d'aller au cimetière
La route vers Puyloubier est tranquille, justement, certains en profitent pour appuyer sur le champignon, les champions étant les motos qui passent comme des éclairs. C'est fou cette inconscience ... juste pour une sensation grisante de vitesse, ils mettent leur vie en danger, ils risquent de passer le reste de leurs jours en chaise roulante. Mais voilà, cette folie est humaine, même moi en vélo ! D'ailleurs quand je dévale les pentes à plus de 50km/h, j'imagine un pneu qui crève et le vol plané sur le bitume qui s'en suivrait, je me fais peur .... alors je freine un peu !

Justement la descente est rapide et serpente dans la forêt, je n'ai pas le temps d'en profiter ! Il me reste à atteindre le village de Puyloubier.
Son camping est haut perché, installé sur les pentes de la montagne, il présente la particularité d'avoir quelques emplacements (tentes uniquement) avec un paysage magnifique, à l'écart, comme un bivouac en pleine nature mais avec le confort d'un camping.

je n'ai pas le courage d'aller courir jusqu'au village à la recherche d'un resto ou d'une hypothétique épicerie ou boulangerie aux rayons vides. Il y a un snack au camping, le patron me propose saucisse-frites et puis c'est tout ! Toujours difficile de bien se nourrir en rando vélo !

Je suis en finale
J'approche de la fin de mon périple, déjà ... il va falloir me faire à l'idée de rentrer à la maison, d'autres aventures m'attendent ! Mais comme j'ai encore quelques jours devant moi de libre, j'ai envie de modifier mon programme initial pour pouvoir aller voir les expositions photographiques d'Arles.
Je pourrais regrouper deux étapes en une, et lors de mon retour m'arrêter une journée à Arles ! La proposition est acceptée à l'unanimité ! Demain donc, dernière étape, 100 km jusqu'à la presqu'île de Giens et quelques grimpettes à la clé !

11 ème jour : de Puyloubier à Giens la Tour Fondue

Samedi 1er Septembre

C'est ma dernière étape, comme à chaque fois j'ai un petit coup de blues, mais en contrepartie je suis heureux d'avoir pu réaliser un tel voyage, j'avais failli abandonner au moment du départ, le dénivelé de certaines étapes me faisait peur, et puis j'ai passé ces difficultés, j'arrive au terme du périple, je vais en profiter au maximum !

Sur ma route j'ai de beaux paysages sur la Provence,
Voyage à vélo de la Bourgogne à la Provence

A quoi sert ma trace ?
Je fais quelques photos et vidéos, je me laisse distraire ... je m'aperçois un peu tard que je ne suis pas sur la bonne route. Je tente de couper par les petites routes pour retrouver l'itinéraire prévu, peine perdue, je finis dans une impasse ! Je commence mal ma journée, surtout qu'aujourd'hui j'ai des kilomètres à faire ! Tant pis, je vais prendre la grande route, il faut que j'avance.

C'est une route qui fait recette ...♫♫
Un peu que c'est une grande route, c'est la N7 !, un samedi, dernier week-end des vacances scolaires ... heureusement j'ai un espace pour les vélos. Direction St Maximin ça grimpe, puis se termine par une grande descente, toute droite, bitume parfait, je file à plus de 53 km/h, je vole !

La beauté du monde ne sera-t-elle qu'un souvenir ?
Je fais mes courses au super-marché, un homme est assis à l'ombre sur le support des vélos (d'ailleurs il n'y a aucun vélo, que des motos), il attend sa femme qui fait les courses. La conversation s'engage, "Nicolas Hulot, je l'aimais bien, c'est dommage qu'il soit parti ...", nous discutons d'écologie, de réchauffement climatique, de nature, des sujets sur lesquels nous sommes en phase. Il a travaillé sur l'île de Port-Cros, parc national, que je connais pour l'avoir parcouru dans tous les sens dans ma jeunesse, souvenirs merveilleux de mérous, de poissons volants, de plancton luminescent et de nuits à la belle étoile sur le pont du bateau.

Passage obligé par la Basilique aux orgues célèbres,
Un grand voyageur
En quittant la ville, je rencontre un participant au Suntrip 2018, une course de Lyon à Canton en Chine, en vélo solaire. Nous bavardons un instant, il a dû abandonner à mi parcours ... et c'est déjà un bel exploit !

La muse Ique
Je passe à Tourves, ville célèbre dans les années 60 pour ses embouteillages monstres lors de la grande transhumance des congés payés, elle est maintenant une petite bourgade tranquille, sauvée par une rocade !
De la belle musique arrive jusqu'à mes oreilles, je m'approche d'un petit parc, des gens sont réunis et sont attablés, un violoncelliste et un guitariste animent avec gaieté cette réunion. Je n'ose pas rentrer ... mais j'avoue que je me serais bien assis là au milieu d'eux pour profiter de cet enchantement musical.

Encore un effort
En chemin, dans les fourrés, à quelques mètres de la route, des chasseurs s'activent discrètement ... et pour cause, ils ont dix jours d'avance sur le calendrier d'ouverture de la chasse. Je ne me dégonfle pas et leur crie "Assassins !!".
Une belle côte s'en suit, je grimpe, il faut que j'avance, j'ai perdu du temps ce matin. Pour me motiver je décide de casser la croûte lorsque je serai au sommet du col ... et ça marche, j'y arrive, j'ai enfin le droit de me jeter sur mon pique-nique !
Voyage à vélo de la Bourgogne à la Provence

Toboggan à vélos
La suite ? hé hé ... 30 km de descente !! C'est pas chouette ? Et en plus c'est une belle petite vallée typique de la Provence, avec ses villages à l'ombre des platanes, aux belles fontaines et petites églises aux campaniles en fer forgé. La Roquebrussanne, Méounes-lès-Montrieux, Belgentier, Soliès-Toucas ... ces noms entrent en résonance avec mes souvenirs d'enfance, la promesse de belles vacances au bord de l'eau et de randonnées dans le maquis à la recherche de grottes inexplorées ou de chapelles en ruines.

Je descends, je roule, je file, je m'envole ... c'est magique ! Toute l'énergie dépensée à monter me pousse maintenant avec générosité dans cette descente presque sans fin. Je suis dans un rêve où le passé et le présent se mélangent, j'avance sans effort avec cette sensation de flotter.

Le vélo c'est mieux
Mais je me rapproche de la mer, l'urbanisation se fait de plus en plus dense, les routes se transforment en rues, en avenues, des stops, des feux rouges, un vrai labyrinthe. Je traverse une zone commerciale, un samedi après-midi de rentrée ... tout est bloqué, des files de voitures sont à l'arrêt, les occupants tous enfermés dans l'habitacle climatisation à fond, dehors il fait un beau soleil avec une petite brise agréable. Je me faufile au milieu d'énormes 4x4 aux vitres noires ... Pourquoi ne viennent-ils pas à vélo ? ils ne seraient pas coincés dans les embouteillages à polluer pour rien.

C'est la faute à Darwin
Je crois que l'Homo Sapiens né il y a 200 000 ans vient d'évoluer, ou plutôt de régresser, il est devenu un Homo Fénéantus, il n'arrive plus à faire 1 km à pied, il lui faut une voiture pour le moindre déplacement et il se fait livrer à domicile, il lui faut des ascenseurs et des escalators, son vélo est électrique, même ses enfants ont leurs trottinettes et leurs skateboards motorisés et vont à l'école en voiture. Dans le futur, il n'y aura même plus de volant à tourner ni de pédale à appuyer, tout sera automatique. Les muscles de l'Homo Fénéantus auront alors complètement fondu, ensuite ce seront les membres qui ne serviront plus à rien et qui à leur tour disparaîtront ...

Mare Nostrum
Je retrouve avec plaisir la piste cyclable du littoral Varois. J'aperçois le bleu de la Méditerranée, la mer est tout près, la voici enfin, le but de mon voyage.
Magnétisme
Je suis sur la presqu'île de Giens, encore quelques kilomètres pour atteindre le bout du bout, la Tour-Fondue. J'aurais pu aller ailleurs, il y a tant d'endroit sur la côte ... c'est vrai que j'aime bien les bouts du monde, mais en fait c'est plutôt qu'ici j'ai plein de souvenirs de vacances.
Nous venions avec mes parents dans les années 60 dans un grand camping à la Capte en bord de plage, puis après, sur un petit bateau dans les îles, c'était le paradis les jours de beau temps et l'enfer les jours de Mistral ! Il n'y avait personne même en plein mois d'Août.
Plus tard dans les années 90, nous venions avec nos enfants aux vacances de printemps sur l'île de Porquerolles, verte et en fleurs et que nous explorions de long en large à pied ou à vélo.
C'est étonnant comme on reste attaché aux lieux de vacances de son enfance, on y revient tout au long de sa vie, c'est un aimant qui vous attire inexorablement.

Ce soir les couleurs sont belles et chaudes au coucher du soleil. Des senteurs marines remontent et se mélangent aux filets d'airs frais.
Je regrette d'être si fatigué, je ne peux profiter plus que cela de la soirée, je m'écroule de sommeil.
Je viens de terminer mon périple après 11 jours d'une "chevauchée fantastique" !

12 ème jour : Porquerolles

Dimanche 2 Septembre

Quel fainéant !
Dans mon programme, c'est un jour de repos ... en théorie, parce que dans la pratique c'est autre chose.
je ne peux pas repartir sans revoir l'île de Porquerolles, et comme ce matin je me sens flagada et que j'ai même quelques courbatures(je me cherche quelques excuses...), je loue un vélo électrique, c'est une bonne occasion pour tester le VAE. Incroyable, il avance tout seul, il suffit de tourner les pédales, sans même appuyer, et la bête bondit en avant !

Profite
J'ai envie de revoir les plus beaux coins de l'île, je la parcours de long en large ... Je voudrais en profiter, mais je suis venu seul, personne avec qui partager la beauté de l'île et les souvenirs qu'elle porte. Il y a de la nostalgie dans cette visite, surtout que depuis le temps elle est devenue une destination très touristique, il y a beaucoup de monde, je me sens mal à l'aise. Mais l'île ne m'appartient pas, elle est à tout le monde ...
Bon je ne vais par pleurnicher après avoir fait un si beau voyage, je vais rapporter plein de nouveaux souvenirs, pour compléter une collection déjà bien remplie !! Allez, roule, tes souvenirs sont devant !




Merci
Avant de revenir sur le continent, je passe à l'église du village pour dire merci pour cette si belle randonnée à vélo. Oui, je sais c'est un loisir un peu futile, je pourrais faire autre chose ... bien que face au réchauffement climatique, j'essaye de faire passer un message écologique, que l'on peut faire autrement, plus simplement, sans polluer.

Les vampires
Le soir je suis allé au bar déguster une bière fraîche, vue sur la mer et ses belles couleurs de fin de journée. Il faisait bon, pas un souffle de vent, le soleil venait de disparaître derrière l'horizon, un moment de quiétude. Et puis, une ombre passa devant mes yeux, les convives commencèrent à s'agiter, des éclats de voix, certains se levèrent brusquement, et ce fut la panique, les vampires attaquaient, que l'on appelle ici des moustiques ! Dans mon coin j'étais relativement tranquille, la grappe de moustiques s'étant arrêtée sur les premières victimes trouvées en chemin, mais après que tout le monde soit parti se réfugier à l'intérieur, je fus seul à batailler contre cette armée invisible ... pas facile alors de réserver une chambre d'hôtel sur Booking.com qui vous stresse tant et plus "Dernières places à ce prix là, 10 personnes regardent cette offre, Encore une dernière étape, Confirmer votre email", etc ... et les moustiques qui faisaient rage, une vraie épreuve de Fort Boyard !!

Inconscience
Les moustiques ne sont pas nouveaux sur la presqu'île. Je me souviens, enfant, au camping, il y avait parfois des campagnes de démoustication. Un véhicule parcourait tout le camp en diffusant en grande quantité un insecticide sous forme d'une énorme fumée blanche. Tous les jeunes du camping couraient derrière la jeep, le jeu étant de disparaitre dans cette fumée ... Quand j'y pense, c'était bien une époque d'insouciance et de grande naïveté. Personne ne connaissait la dangerosité de ces produits, personne ne posait de question, personne pour s'insurger. Le lendemain au camping c'était le grand silence, toutes les cigales étaient mortes.

13, 14 et 15 ème Jour : Retour et fin

3, 4 et 5 Septembre

Il me faut rentrer à la maison. Les TGV sud-est ne prennent pas les vélos, il me reste les TER et les Intercités pour remonter jusqu'à Paris. Cela représente une bonne journée de train, mais je vais faire l'école buissonnière et m'arrêter une journée à Arles pour les Rencontres de la photographies, un peu de culture photographique me fera du bien, et Arles est une ville très agréable.
En gare de Hyères,
Je commence à réfléchir à ce que je pourrais faire l'année prochaine ... Paris-Berlin ... hum, un peu long quand on a une vie de famille, il faut que je trouve quelque chose faisable en deux semaines maximum ... traverser le massif-central, et pourquoi pas ?
Rendez vous l'année prochaine !

L'itinéraire

La trace donnée par mon tracker est celle-ci, et donne une petite idée du voyage réalisé.



Commentaires

  1. Belles images. Excellent post. Félicitations pour le grand blog. Gros câlin d'un cycliste brésilien !! J'aime aussi faire du vélo couché !! www.luisfranz.blogspot.com

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    1. Merci pour ton message ! j'ai pris plaisir à écrire ce post, à refaire ainsi le voyage, et si cela plaît aux lecteurs, c'est encore mieux.
      Merci pour ton adresse de blog, j'ai de la lecture qui m'attends !
      Amitiés cyclistes et belles balades à vélo couché.

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  2. Bonsoir,
    J'avais déjà parcouru votre blog en début d'année… et là, je vois que cet été, vous êtes passé dans le coin, avant de poursuivre dans le sud… J'étais intéressé par le parcours Veynes -> Sisteron, j'avais fait 4 jours de rando entre Serres -> Sault -> Sisteron -> Serres (en passant par le Ventoux)…Au fil de la lecture, je me rends compte que c'est moi que vous avez croisé sur le pont de l'île l'Amour à Grenoble ! J'étais dans mes pensées, je n'ai pas réagi à temps pour m'arrêter et vous demander où vous alliez (j'avais enregistré que vous étiez chargé pour de la rando) :-)
    Pour faire Grenoble -> Veynes, il y a une alternative au tout-train (même si c'est un beau parcours en train) : on peut faire une partie en train, Grenoble -> Monestier de Clermont ou -> Clelles, puis passer par le Trièves (Mens, Cordéac…), monter dans le Dévoluy jusqu'au col de Festre et redescendre sur Veynes ! C'est une grosse journée sans doute, mais c'est un itinéraire tranquille et de toute beauté !

    En tout cas bravo pour ces belles randos, et les compte-rendus qui donnent envie de prendre la route !

    N'hésitez-pas également à rejoindre le forum du vélocouché (http://velorizontal.bbfr.net/) si vous n'y êtes pas déjà, et l'association AFV pour partager des randos lors de vélorizons…

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    1. Merci pour votre message ! Une bonne surprise, c'est donc vous que j'ai mis en photo dans l'article (!), j'avais à cet instant une gopro dans la main ... je m'amuse aussi à filmer, d'ailleurs un de ces jours, je mettrais la vidéo de la randonnée en ligne.
      Pour le trajet entre Grenoble et Veynes, j'avais prévu "une option", aller au lac de Monteynard puis prendre le train à Clelles, mais bon ... ça grimpe dur, la montagne n'est pas mon fort et mes jours de rando étaient comptés. Sinon par Mens et le col du Festre,(je connais ce coin) effectivement cela aurait été un beau parcours, certes un peu vallonné !
      Je vais sur le forum velorizontal mais plutôt en lecteur, c'est une mine d'information inépuisable !
      Jacques.

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